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Pourquoi ça marche

Thierry Frémaux, sa «nuit au musée», son et Lumière

Le cahier Livres de Libédossier
La collection «Ma nuit au musée» de Stock sort ces jours-ci son vingtième titre, «Rue du Premier-Film», signé par le délégué général du Festival de Cannes.
Le délégué général du Festival de Cannes à l’Institut Lumière où il a passé une nuit. (Khanh Renaud)
publié le 21 septembre 2024 à 9h04

Le dispositif ne varie pas, ou très peu : un écrivain passe une nuit dans un musée. Seul parmi les œuvres du crépuscule à l’aube, il dispose seulement d’un lit de camp (que Leïla Slimani, envoyée à Venise au milieu d’une partie de la collection Pinault, a paraît-il trouvé confortable – mais tout le monde n’est pas de cet avis). L’expérience passée, il s’agira d’écrire un texte (150 000 signes minimum, ce n’est pas rien) plus ou moins personnel et de forme libre. L’éditrice elle-même, Alina Gurdiel, ne sait jamais ce que cela donnera et c’est le jeu. Lancée par ses soins en 2019, la collection «Ma nuit au musée» de Stock aligne ainsi, au rythme de trois à quatre publications par an, les contributeurs fameux (Kamel Daoud, Lydie Salvayre, Yannick Haenel, Aurélien Bellanger…), les prix (le Médicis de l’essai en 2021 pour Comme un ciel en nous de Jakuta Alikavazovic, le Décembre en 2022 pour Quand tu écouteras cette chanson de Lola Lafon), et sort ces jours-ci son vingtième titre. Chacun se vend en moyenne à 15 000 exemplaires, avec des pics à plus de 100 000 (pour Slimani et Lafon, au coude-à-coude).

Qui dort où ?

Thierry Frémaux n’est pas connu en premier lieu comme auteur, mais on ne le présente plus. Page 24, à califourchon sur son vélo BMW dans les rues de Lyon, cette petite coquetterie : «Au Festival de Cannes, dont je suis le délégué général, il m’est devenu une sorte de “vélo de fonction”, la première “bicyclette officielle” de la manifestation». Le cycliste se prépare à passer la nuit à l’Institut Lumière, sis rue du Premier-Film, là où le «cinéma» (avec toutes les précautions des guillemets, «par respect pour ceux ayant apporté leur pierre à l’édifice») a été inventé par les frères du même nom. Les autorisations n’ont pas été difficiles à obtenir («Je n’aurais pas de problème pour rencontrer le directeur : le directeur, c’est moi»). La couchette est installée au premier, l’endroit désert. Action !

Comment on s’occupe ?

On est là pour rêver, pas pour dormir. Il y a un côté Maman j’ai raté l’avion dans cette «Nuit au musée», quelque chose de buissonnier, d’enfantin. Thierry Frémaux est sur «le lieu de naissance du cinématographe» et voyage aux origines de sa propre cinéphilie. Il se dévoile dans une ou deux séquences et joue sur place à la chasse aux trésors. A 2 heures, pause pipi dans le parc. Une demi-heure plus tard, projection privée : un western, la Chevauchée des bannis d’André de Toth avec Robert Ryan. Ensuite, «e-mails et textos à quelques amis» («Il y a toujours quelqu’un à qui parler, les jours de sélection cannoise et les soirs d’insomnie») et plus tard, forcément, retour en salle. Tout du long, anecdotes et cours complice d’histoire du cinéma.

Quelle heure est-il ?

Thierry Frémaux a un ami dans le cinéma, un certain «Vincent L.». Ce dernier lui demande parfois : «Si la vie entière se résumait à vingt-quatre heures, qu’elle commence à la première seconde et qu’à minuit tout s’arrête, quelle heure est-il pour nous, à l’instant ?» Thierry pense qu’il est grosso modo 18 h 30, Vincent 21 heures (ou 16 heures, s’il a passé une bonne journée). En l’occurrence, on garde aussi un œil sur le cadran. Aux alentours de 6 heures du matin, rideau. Deux heures plus tard, le songe a pris fin : lumière.

Thierry Frémaux, Rue du Premier-Film, Stock «Ma Nuit au musée», 256 pp., 19,90 € (ebook : 14,99 €).