Vous est-il arrivé d’avoir «l’air triste, mélancolique», «le regard stupide, les yeux parfois hagards, la figure inanimée, avec un dégoût général, une indifférence pour tout» ? D’avoir «le pouls faible, lent, quelquefois de la fièvre, mais à peine sensible» ? De ressentir «un assoupissement assez constant ; pendant le sommeil, quelques expressions échappées avec des sanglots et des larmes, la presque impossibilité de quitter le lit, un silence opiniâtre» ? Méfiez-vous alors de ce qui peut vous attendre : ce pourrait être bientôt «le refus de boissons et d’aliments, l’amaigrissement, le marasme et la mort». Oui, la mort.
Ces symptômes sont décrits par Denis Guerbois, qui fut chirurgien militaire de 1792 à 1800, au temps des guerres de la Révolution et de l’Empire. Guerbois avait eu l’occasion de les observer à de nombreuses reprises chez les soldats dont il avait la charge. Ils correspondaient à une maladie terrible, dont souffraient les soldats français, italiens, polonais, allemands, suisses, hollandais, espagnols : la nostalgie. Même les officiers de l’armée britannique, qui s’estimaient préservés de ce fléau parce que leur armée n’était pas composée de conscrits, avaient pour consigne d’être extrêmement vigilants face aux accès de mal du pays dans leurs rangs. A l’époque, on ne rigolait pas avec la nostalgie.
Longues marches et dressage militaire
Sous-lieutenant des dragons à Brescia, dans le nord de l’Italie à l’âge de 18 ans, Stendhal notait dans son journal : «Il paraît