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Thomas Giraud, écrivain et magistrat, a lu «l’Effondrement» de Hans Erich Nossack

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Librairie éphémèredossier
A Hambourg, en 1943. (ullstein bild/Akg Images)
par Thomas Giraud
publié le 9 janvier 2022 à 14h27

Que reste-t-il quand tout a disparu, quand la ville où l’on vivait, Hambourg en 1943, a été anéantie par un déluge de feu, de bruits, de poussières imposé par une semaine de bombardements intensifs pendant laquelle «on n’osait pas respirer pour ne pas inspirer» ? Que faire lorsqu’il ne demeure plus rien à soi, plus rien d’une ville dont on ne reconnaît pas la forme tant elle a été malmenée, ravalée, déchirée, effondrée par les explosions, ville où dorénavant on se perd, où il ne reste plus aucun repère pour mettre ses pieds, pour reconnaître, pour penser son propre passé ? Et comment chacun fait avec ces nouvelles absences avec lesquelles il faut composer ?

L’anéantissement brutal est le thème central de L’Effondrement, court récit de Hans Erich Nossack écrit à la fin des années 40 et que publient dans une nouvelle traduction les éditions Héros-Limite. Nossack ne fait pas un récit inquiet, sombre et déchirant. Il s’attarde peu sur les morts, nombreux, incomptables, dont les chiffres varient d’une semaine à l’autre selon la propagande du régime, pas plus qu’il ne se lance dans une invective contre l’assaillant. Il évite d’encalminer ce récit dans un contexte trop historique. Au contraire, en décidant d’écrire sur ce qui reste, sur ce qui aurait pu rester, sur ce que l’on se partage, s’envie, Nossack, acteur et observateur de cet événement, avec une langue épurée, poétique et pudique, donne à lire un texte intemporel sur la possession, le dénuement, la liberté et