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Libération
Prix Nobel de littérature

Thomas Ostermeier: «Les livres d’Annie Ernaux combattent la ségrégation de classe et de genre»

Le metteur en scène allemand, dont le théâtre abritant la troupe qu’il dirige adapte «Mémoire de fille», réagit au prix Nobel de littérature attribué à Annie Ernaux ce jeudi.
Thomas Ostermeier à Berlin en 2018. (Annegret Hilse/dpa Picture-Alliance. AFP)
publié le 6 octobre 2022 à 16h52

«Je suis heureux et surpris car Annie Ernaux n’appartient pas à la tradition classique des romanciers récompensés par le Nobel et n’a jamais fait partie de la classe bourgeoise. Ce prix confirme qu’un grand changement est à l’œuvre dans le monde de la culture, car ce n’est pas seulement une femme qui écrit, mais une femme de la classe ouvrière. Cela me donne de l’espoir, car ses livres font prendre conscience qu’il ne faut pas seulement combattre la discrimination raciale mais aussi la ségrégation de classe et de genre.

«Ce qu’elle raconte touche à l’universel, de l’histoire d’une jeune femme qui entre dans la vie amoureuse et sexuelle, au quotidien de la vie en province. Je ne connais personne d’autre qui puisse décrire comme elle ces événements, comme dans les Années, par des références à la vie de tous les jours, issues de la culture populaire.

«Je l’ai découverte par l’intermédiaire des textes de Didier Eribon et Edouard Louis, et sa lecture a été un choc émotionnel. J’essaie à Berlin de porter cette voix, sur les planches de la Schaubühne [théâtre berlinois abritant la troupe dirigée par Ostermeier, ndlr], où Sarah Kohm monte actuellement Mémoire de fille. Même si l’écriture d’Annie Ernaux n’est pas spécialement théâtrale, il y a une urgence à mettre en scène ces récits.

En 2019, nous lui avons remis le prix de l’Académie de Berlin dont je fais partie. Du reste, en Allemagne, sa reconnaissance est plutôt tardive mais son influence est désormais majeure sur toute une nouvelle génération de jeunes écrivains comme Christian Baron ou Kübra Gümüsay, qui écrivent sur leur enfance en famille ouvrière ou d’origine immigrée.»