Avec l’invasion de l’Ukraine en février 2022, la guerre a soudainement frappé le Vieux Continent, une réalité que les peuples européens avaient oubliée. Mais ce conflit ne constitue que la partie émergée de l’iceberg. Loin d’avoir cédé à une impulsion irréfléchie, Vladimir Poutine poursuit en effet un dessein idéologique plus vaste que la reconquête de l’ancienne république soviétique. Il vise tout bonnement à disloquer l’Occident, une entreprise méditée et méthodique.
Méditée, en ce sens que l’ancien officier du KGB s’appuie sur des idéologues, Ivan Ilyine (1883-1954) avant tout. Hostile à la révolution d’Octobre, cet essayiste avait, dans quelque quarante ouvrages, réclamé un retour au tsarisme et à la foi orthodoxe, exalté la Russie éternelle et surtout dénoncé l’Occident, porteur à ses yeux de la décadence. Poutine a bien médité la leçon. Plaidant pour un pouvoir fort qui sert ses intérêts politiques autant que financiers, il n’a cessé de militer pour une Eurasie qui assurerait à son pays un rôle éminent.
Les amis du dictateur
Or, le maître du Kremlin est parvenu en partie à réaliser ce programme en procédant avec méthode. A l’intérieur, il a organisé le chaos, en érigeant l’arbitraire en norme, en recourant au racisme et à l’antisémitisme, en usant et en abusant du mensonge. Dans la Russie poutinienne, la vérité n’existe pas, et les médias, solidement tenus en laisse, préfèrent toujours le spectacle à l’examen des faits. Mais Poutine a surtout entrepris de briser l’Occident et ses valeurs. Au