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Essai

Timothy Snyder et la Russie poutinienne exportatrice de chaos

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Dans «la Route pour la servitude», l’historien américain lance un cri d’alarme contre le dessein méthodique et destructeur du chef du Kremlin contre les valeurs de l’Occident.
Moscou, 14 décembre. Sur l’écran, Poutine et une citation de sa conférence de presse de fin d’année. (Maxim Shemetov/REUTERS)
publié le 20 décembre 2023 à 21h32

Avec l’invasion de l’Ukraine en février 2022, la guerre a soudainement frappé le Vieux Continent, une réalité que les peuples européens avaient oubliée. Mais ce conflit ne constitue que la partie émergée de l’iceberg. Loin d’avoir cédé à une impulsion irréfléchie, Vladimir Poutine poursuit en effet un dessein idéologique plus vaste que la reconquête de l’ancienne république soviétique. Il vise tout bonnement à disloquer l’Occident, une entreprise méditée et méthodique.

Méditée, en ce sens que l’ancien officier du KGB s’appuie sur des idéologues, Ivan Ilyine (1883-1954) avant tout. Hostile à la révolution d’Octobre, cet essayiste avait, dans quelque quarante ouvrages, réclamé un retour au tsarisme et à la foi orthodoxe, exalté la Russie éternelle et surtout dénoncé l’Occident, porteur à ses yeux de la décadence. Poutine a bien médité la leçon. Plaidant pour un pouvoir fort qui sert ses intérêts politiques autant que financiers, il n’a cessé de militer pour une Eurasie qui assurerait à son pays un rôle éminent.

Les amis du dictateur

Or, le maître du Kremlin est parvenu en partie à réaliser ce programme en procédant avec méthode. A l’intérieur, il a organisé le chaos, en érigeant l’arbitraire en norme, en recourant au racisme et à l’antisémitisme, en usant et en abusant du mensonge. Dans la Russie poutinienne, la vérité n’existe pas, et les médias, solidement tenus en laisse, préfèrent toujours le spectacle à l’examen des faits. Mais Poutine a surtout entrepris de briser l’Occident et ses valeurs. Au