Parce qu’elle figure à l’intérieur d’un chef-d’œuvre, cette phrase, «mais n’a-t-on pas de temps à autre besoin de la tristesse ?» retient l’attention ; dans un autre roman elle semblerait banale. Lire Ton absence n’est que ténèbres, c’est s’arrêter régulièrement sur trois lignes qui vous vont droit au cœur : ce sont des considérations sur l’amour, le bonheur, les fautes qui ne durent qu’un moment très court mais qui s’avèrent lourdes de conséquences ; ce sont des «aveux incandescents» que s’adressent des couples. Aldis et Haraldur par exemple : «Tu es quel genre de personne ? Le genre qui t’embrasse. Puis elle approcha son visage de celui d’Haraldur. Ils se marièrent l’été suivant.» Leur histoire occupe une quinzaine de pages et finit de façon tragique. Elle est splendide. Nous avons demandé à Jón Kalman Stefánsson, à Paris pour la sortie de son roman, s’il avait entendu parler d’Haraldur et d’Aldis : «On ne sait pas toujours si on a vraiment entendu raconter quelque chose. Cela vaut pour tout le monde, romancier ou pas, mais ça s’applique d’autant plus à moi car j’oublie beaucoup de choses. Je suis un oublieux. Parfois des histoires ressortent. Mais celle-ci, je crois que je l’ai inventée.» Aldis est «complètement marteau» de son mari. Remarquablement traduit par Eric Boury, Ton absence n’est que ténèbres déploie un français qui demeure châtié même quand il est oral ; c’est une langue très souple, qui joue.
Rock et métaphysique
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