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«Tout va bien se passer» de Leye Adenle : avec les prédicateurs de malheur du Nigeria

Dans son troisième roman, l’écrivain nigérian plonge Amaka, son héroïne récurrente, dans l’univers des religieux milliardaires qui exploitent la misère humaine
L'intrigue du nouveau roman de Leye Adenle plonge le lecteur dans le monde des prédicateurs, à Lagos, au Nigéria. (Jacob Silberberg/Getty Images)
par Christine Ferniot
publié le 30 mars 2025 à 11h34

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Lagos, ses embouteillages monstrueux, sa chaleur épuisante, sa corruption tous azimuts, son business juteux des églises évangélistes et son goût pour le luxe tapageur… Au cœur de la capitale du Nigeria, se tient la divine Amaka, fille de diplomate et surtout avocate, ardente défenseuse des prostituées du pays. La jeune femme est une combattante qui n’a pas froid aux yeux. On l’a découverte dans Lagos Lady (Métailié) formidable premier roman de Leye Adenle, paru en 2016. Elle est rapidement devenue une héroïne récurrente du romancier avec Feu pour feu (Métailié) en 2020 et, aujourd’hui dans Tout va bien se passer. Amaka a quitté le pays pour s’installer à Londres mais n’hésite pas à rentrer chez elle pour aider une amie, Funke, aux prises avec un pasteur et ses sbires. Dans les beaux quartiers, un notable et sa femme sont exécutés par des truands. Un autre meurt d’une crise cardiaque le soir de son anniversaire-surprise. Mais d’abord, tout le monde cherche les millions de dollars disparus des radars de la mafia.

Les religieux se déplacent en jet privé

Leyle Adenle, né en 1975, est un remarquable observateur du pays. Il écrit ses romans noirs comme on doit conduire sa voiture dans les rues frénétiques et brûlantes de Lagos. Sa nouvelle intrigue est surtout l’occasion de pénétrer dans le monde des prédicateurs, voyous de première catégorie portant des crucifix incrustés de diamants sur leur chemise repassée pour mieux séduire leurs ouailles. Là-bas, être pasteur et milliardaire est un pléonasme. Les religieux se déplacent en jet privé et dorment dans des palaces. En face, la pauvreté est endémique et les femmes, premières victimes, n’ont que leur corps à vendre.

Le romancier pointe les injustices, tour à tour drôle et dénonciateur. Sa langue est nourrie de frénésie et de délire, digne de vendeurs d’aspirateurs professionnels ou de chauffeurs de salle : «Mesdames et messieurs, dit la voix avec l’enthousiasme condescendant d’un commentateur de combat de catch. Tout juste arrivé des Etats-Unis d’Amérique, un homme de Dieu qui porte sur lui la marque indélébile de la gloire et des grâces du seigneur. Le saint, le délicieux, l’exceptionnel, le sage et le savant, un homme de Dieu encore humide de l’onction, enrichi par la Parole, le béni, le vénéré, le seul et l’unique…»

Les flics officiels auront beau répéter à Amaka que «tout va bien se passer», on n’y croit pas un instant et c’est tout le sel de cette fiction.

Tout va bien se passer, Leye Adenle, traduit de l’anglais (Nigeria) par Céline Schwaller, éditions Metailié, 424 pp, 22 €