Dans la famille «Ecrivains», demandez la mère. Celle de la Danoise Tove Ditlevsen (1917-1976) distribue des coups de manière arbitraire, croit sa fille quand elle ment mais pas quand elle dit la vérité, ce qui met la petite mal à l’aise. Mais cette dernière ferait n’importe quoi pour attirer l’attention de la jeune femme qui, au mieux, ne la voit pas, au pire se moque, pour lui arracher un sourire, pour en être aimée. «Belle, inaccessible, solitaire et débordante de pensées secrètes que je ne déchiffrerai jamais» : telle est Mme Ditlevsen mère à l’orée d’Enfance, premier volume de «la Trilogie de Copenhague». Les éditions Stock ont publié les deux premiers tomes sous le titre de Printemps précoce il y a trente ans, dans une traduction de Frédéric Durand. Globe propose une nouvelle traduction dans le sillage des rééditions lancées en Grande-Bretagne puis aux Etats-Unis à partir de 2019, qui ont remis la trilogie au centre de l’actualité littéraire internationale.
Le problème, c’est l’enfance. La jeune Tove, âgée ici de 5 à 14 ans, a un frère aîné destiné à devenir artisan, métier enviable et propre, contrairement à celui du père, qui enfourne du charbon dans une chaudière douze heures par jour. «Tout le monde aime mon frère et je me dis souvent que son enfance lui va mieux que la mienne ne me va.» Quand Tove fait des courses avec sa mère, elle sait comment se comporter afin que tout se passe bien : «Je lui lâche la main et je me recule un peu pou