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Roman

«Un début dans la vie» d’Anita Brookner, à fiel ouvert

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Le roman de l’autrice britannique fait chemin retour vers la jeunesse, dans un logis toxique.

(Jamie Hodgson/Getty Images)
Publié le 03/11/2023 à 15h31

Méfiance, méfiance, face à ce fronton plein d’espoir : chez Anita Brookner (1928-2016), qui signait en 1981 avec Un début dans la vie son premier roman à 53 ans (déjà paru en France en 1990 chez Belfond sous le titre la Vie, quelque part), le début c’est déjà la fin. «A quarante ans, lit-on d’entrée, le professeur Weiss, docteur ès lettres, savait que la littérature avait gâché sa vie.» Elle, «qui préférait les hommes», est spécialiste des «femmes dans les romans de Balzac». Son apparence et sa personnalité sont «exactement à mi-chemin entre le XIXe et le XXe siècle».

Enfant, ladite Ruth Weiss écoutait sa nurse lui raconter que Cendrillon irait au bal, mais voilà : «Le bal ne s’était jamais concrétisé.» C’est une femme seule, comme le seront par la suite d’une manière ou d’une autre tous les personnages de Brookner (laquelle publiera, dès lors, avec une rigueur métronomique, un livre par an). Peu d’écrivains savent comme elle mettre le doigt sur la poussière sous le tapis, la bouteille vide et oubliée, les cendriers remplis ; décrire la lourdeur des rideaux, l’atmosphère de décadence domestique, le caractère décevant des relations humaines et ce que l’existence peut avoir de désespérant – et faire cela non sans humour. «C’était tout à la fois délicieux, relâché et ignoble», récapitu