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Littérature

«Un lieu ensoleillé pour personnes sombres» de Mariana Enriquez : mues et crise en Argentine

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Les nouvelles de l’autrice circulent, comme dans ses précédents livres, entre des rivières aux eaux troubles, parfois sanglantes : celles de la réalité, celles du fantastique.

Mariana Enriquez, le 27 mai 2024, à Paris. (Cyril Zannettacci/Vu pour Libération)
Publié le 17/10/2025 à 15h36

Si Gregor Samsa se réveillait un matin dans le nord de l’Argentine plutôt qu’à Prague, peut-être deviendrait-il un oiseau qui fait peur, un chat qu’on pend, une femme sans visage ou un jaguar dont les taches inquiètent cet explorateur en chambre, le lecteur : «Je me suis souvenue de la légende du jaguar. Il y avait un guerrier très puissant dans la forêt ; il était si célèbre qu’un autre, aussi fort que lui, le provoqua en duel. Ils se battirent toute la nuit et, à l’aube, l’un d’eux réussit à planter sa lance dans le cœur de son adversaire. Mais le blessé ne mourut pas. Aucun ne mourut. Aucun ne perdit ni ne gagna le combat. Leurs corps unis se transformèrent en jaguar, le félin qui brille dans les bois la nuit, condamné à la plus parfaite symétrie.»

Les douze nouvelles d’Un lieu ensoleillé pour personnes sombres, le nouveau livre de Mariana Enriquez, racontent d’une façon ou d’une autre, des métamorphoses par temps de crise. Ces métamorphoses de l’âme sont physiques, surtout féminines. Parenthèse après le mythe du jaguar : «Toutes les légendes d’hommes métamor