On lui tend une petite boîte en carton, de la taille d’une carte postale. Elle contient «les poussières» d’une vie. Ce n’est pas grand-chose, et c’est tout. Elle libère des images, celles d’un jeune homme debout en équilibre sur un cheval ou enlaçant sa fiancée. Elle révèle un certificat de travail d’apprenti aux Céramiques de Dieulefit daté d’avril 1943. Elle fait exhumer aussi un fume-cigarette en laiton fabriqué «à partir d’une cartouche sans doute tirée par un Mauser». Ces menus objets représentent un legs du passé. Quatre-vingt ans ont fui depuis la disparition de leur propriétaire. Son prénom, André, est maladroitement scotché sur le contenant. On imagine l’allégresse rentrée d’Hervé Le Tellier qui l’a prise comme un trésor. D’André Chaix, il savait si peu. C’était d’abord un nom gravé en lettres majuscules dans le crépi grège de son acquisition – il avait rêvé d’une «maison natale» – au hameau de La Paillette dans la Drôme provençale. C’était un nom tombé pour la France comme on dit, pris dans la liste du monument de Montjoux avec ces dates, mai 1924-août 1944. Une mort à 20 ans, c’est toujours un choc.
«Je n’écrirai pas que ce texte était une “évidence”, une “obligation”, ou une “obsession”. A son ami Oskar Pollak, Franz Kafka dit qu’“un livre doit être la hache qui brise la mer gelée en nous”. Il parle de lectures, plus que d’écriture.