Il y a une scène horrifique au début de ce premier roman. Une femme tend son bébé dans le vide, par-dessus son balcon. Elle pense à Michael Jackson qui avait fait pareil, il y a plus de vingt ans. Le musicien avait rentré l’enfant puis était réapparu pour jeter son bavoir en pâture à ses fans. «Parfois L jette le bavoir de l’enfant au pied de l’immeuble, mais il n’y a pas de foule.» Juste un canard dessiné sur l’objet, et qui l’observe. Une voisine cependant le ramasse et le lui remonte : l’héroïne n’ouvre pas. Elle s’appelle «L» car toutes les lettres de son nom ont disparu, croit-elle. Un peu plus loin, L se demande s’il ne serait «pas préférable d’écraser d’ores et déjà la main, le bras, le torse, la tête miniature de tout son poids ? Avec le pied droit.»
Parmi toutes les possibilités (clinique, sociologique, policière,…) de mener ce portrait d’une mère égarée, Emmanuelle Tornero a choisi la poésie intérieure à la troisième personne, dans la lignée de l’écrivaine Unica Zürn (1916-1970), qu’elle cite en exergue. Elle raconte ainsi une femme autour de laquelle un figuier s’est enroulé, «s’aidant d’un corps étranger qu’il fait sien – un hôte – qu’il finit par recouvrir totalement à force d’étreinte». On comprend, dès le deuxième chapitre intitulé «J-50», que L a fugué avec son bébé, mais