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Roman

«Une fratrie» de Brigitte Reimann, l’art va au charbon

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Le cahier Livres de Libédossier
Traduction de la version non censurée par la Stasi du premier roman de l’autrice est-allemande, morte à 39 ans en 1973. Son héroïne, double d’elle-même, est une jeune artiste partie travailler à l’usine, animatrice d’un atelier de peinture destiné aux ouvriers.
Brigitte Reimann. (Aufbau Verlage)
publié le 28 février 2025 à 14h17

Début des années 60 à Berlin, le Mur n’existe pas encore, la ville est divisée en quatre secteurs d’occupation. A l’est, les Russes. A l’ouest, les trois alliés occidentaux. Betsie, l’héroïne du roman de Brigitte Reimann, une jeune artiste de l’Allemagne communiste, a débarqué avec sa mère à la gare de Friedrichstrasse, en zone soviétique. Elles comptent rejoindre le Kudamm, les «Champs-Elysées» ouest-berlinois ; Konrad, le frère aîné, réfugié en Allemagne fédérale les attend. Contrairement à sa sœur cadette, le jeune ingénieur n’a que faire du projet de construire un Etat ouvrier et paysan sous contrôle de Moscou.

Betsie le voit comme un traître mais accepte le jeu des retrouvailles. Après une altercation, elle décide en cette soirée d’été de revenir à pied côté Est, «chez nous» dit-elle. «Je me retrouvai soudain devant le panneau indiquant la frontière inter-secteurs. Un panneau tout simple, une rue pavée tout ordinaire, pas de fossé, pas de chevaux de frise ; on pouvait passer comme en se promenant d’un secteur à l’autre, ce que faisaient les gens, leurs visages n’exprimaient ni tristesse ni colère, et leurs cœurs ne battaient sûrement pas plus vite. Je m’arrêtai, prise de vertige. A cet instant précis, je compris ce que signifiait l’expression l’Allemagne divisée.»

Bataille sentimentale et idéologique

Une fratrie, premier livre de la romancière à la v