Menu
Libération
Librairie éphémère

«Une Miette et des paillettes» d’Anne Rehbinder lu par Vanessa Christophe, professeure de français

Le cahier Livres de Libédossier
Chaque semaine, une lectrice ou un lecteur chronique un coup de cœur. Aujourd’hui un livre jeunesse autour d’une apprentie ballerine.
L'héroïne trouve que les autres petites filles sont bien plus douées qu’elle… On dirait qu’elles se sont «échappées d’une boîte à musique». (Patrick Tourneboeuf/Tendance Floue)
par Vanessa Christophe, professeure de français
publié le 21 septembre 2024 à 0h05

Nouchka souhaite depuis toujours faire de la danse. Cette rentrée s’annonce sous les meilleurs auspices puisque sa mère a enfin accepté de l’inscrire à l’école au bout de la rue des Moineaux. Elle dit : «Ce cours de danse, j’en suis sûre, c’est le plus époustouflant qui existe, il fait des étincelles au plafond, des feux d’artifice dans le cœur et des rubans dorés sur les tutus pour le spectacle de fin d’année.» Sa mère est rayonnante car elle attend un bébé, la petite fille est ravie d’être une grande sœur même si elle la trouve moins attentive à elle. En plus de cela, Nouchka ne se pense pas à la hauteur en tant que danseuse, les autres petites filles sont bien plus douées qu’elle… On dirait qu’elles se sont «échappées d’une boîte à musique», elles voltigent dans les airs avec leurs «chaussons délicats aux pieds, chignons parfaits sur la tête». Mais un soir, après une leçon, elle comprend à travers les yeux de son père venu la chercher «le principal». «La Miette nous a laissés tomber. Elle a pris la tangente, elle est partie voir ailleurs, pas de frère en vue. Elle a dû penser qu’on ne valait pas le détour comme famille. Sale lâcheuse !»

Sublimer une réalité parfois cruelle

Près de 200 000 femmes subissent chaque année en France un «arrêt naturel de grossesse» – soit une grossesse sur quatre. Cette femme imaginée par Anne Rehbinder est loin d’être un cas isolé et pourtant, il y a peu d’exemples dans la littérature, peu d’histoire pour pouvoir l’évoquer auprès des plus jeunes. Perdre un enfant à venir est une épreuve douloureuse pour toute la famille et l’impuissance, à la fois du père et de Nouchka, à réconforter la mère est particulièrement touchante. Pourtant, en adoptant le point de vue de l’enfant, Anne Rehbinder – que j’ai découverte avec Beurre breton et sucre afghan (Actes Sud Jeunesse, 2021) – teinte son récit d’inquiétude, de courage et d’espoir, loin de tout pathos. L’écriture poétique et imagée rend compte de l’imagination débordante des enfants pour sublimer une réalité parfois cruelle. A la fin de notre lecture, on retient que l’amour, l’attention des siens et l’enthousiasme permettent de mener des petites victoires, souvent annonciatrices d’un avenir bien plus radieux.

Anne Rehbinder, Une Miette et des paillettes, illustré par Marta Orzel. Actes Sud Jeunesse, 96 pp., 12, 50 €. A partir de 8 ans.