Voilà comment l’immigration peut changer un homme : le transformer en randonneur par exemple. Usama, le narrateur de ce premier roman, une autofiction, est né en Irak. Maintenant il vit en Suisse où il a trouvé asile en 2002, fuyant la dictature et les interdits religieux. Quand il se sent mal, il part marcher. La première fois il vivait encore dans un foyer pour réfugiés. Et inspiré par la tante d’un ami, il était parti dans la forêt. Dans la culture irakienne, celle-ci «est associée à l’incertitude et aux histoires de démons et de mauvais esprits». Mais là devant ces arbres étrangers devenus aussitôt familiers, le jeune homme se met à leur parler à voix haute. «Au milieu, un grand tilleul évoquait pour moi une figure maternelle. Dans le silence des arbres, je lui ai dit en arabe : hub. L’écho du mot “amour” ne s’est pas répété en allemand, mais en arabe. Stupéfait, j’ai continué : sama, shagar – ciel, arbres. /Hub, sama, shagar – l’écho arabe avait une sonorité différente dans la forêt ; il était plus cristallin, plus précis.»
La chute de Saddam Hussein
La clé du très intrigant titre de Usama Al Shahmani, né en 1971, apparaît donc là. Mais derrière la magie de cette scène, tout un pan, atrocement réel, de l’histoire récente de l’Irak va bientôt se dévoiler. Paru en allemand en 2018, le roman fait des allers-retours entre cette date et le début des années 2000 marquées par la chute de Saddam Hussein et la guerre civile. C’est à ce moment-là, en 2006 qu’Ali, le plus j