Il y a un peu plus d’un lustre, au moment de la sortie de l’Ame des horloges (1), David Mitchell racontait au Guardian avoir «planifié [ses] cinq prochains livres». Chacun de ses ouvrages serait comme le chapitre d’un méta-roman. Cela donne une idée de sa puissance mais ça situe également ses limites. Dans Utopia Avenue, l’écrivain anglais retrace la trajectoire d’un groupe folk-rock londonien à cheval sur deux années (1967-1968), de sa formation, initiée par un manager canadien («un artiste du deal», promet Mitchell), à son avènement, avant la chute. Pendant 750 pages, l’auteur de Cartographie des nuages explore l’existence tumultueuse d’un quatuor fictif, Utopia Avenue, confronté à toutes les équations auxquelles doivent faire face des musiciens en gestation. «C’était une fenêtre spéciale, dix-huit mois, deux ans. Il y avait un parfum de révolution dans l’air. Une période brève où tout semblait possible. Ce laps de temps était une utopie, il ne s’est pas rouvert. J’étais intéressé par cette vision de l’utopie et par la musique ; la dynamique entre les quatre du groupe et leur manager, les connexions humaines et leur collaboration artistique», rapporte-t-il par Zoom depuis Cork en Irlande où il réside.
Le récit proliférant avance par strates, puis par petits bonds chronologiques hors-champ empruntés au cinéma. Habile, David Mitchell a structuré Utopia Avenue autour de trois albums vinyles, eux-mêmes subdivisés en chapit