En 1963, le dramaturge Rolf Hochhuth suscita l’émotion en dénonçant les coupables silences du Vatican à l’égard de la Shoah. Face à la destruction des Juifs d’Europe, Pie XII s’était tu. De fait, le pape n’a jamais publiquement dénoncé les crimes du nazisme ; mais l’on aurait pu imaginer que ses diplomates et les réseaux catholiques aient préféré l’action dans la pénombre et la discrétion au fracas du verbe. Encore fallait-il, pour en juger, pouvoir accéder aux archives pontificales, closes durant des décennies. Ouvertes en 2020, elles ont permis à Nina Valbousquet de dresser un bilan sinistre de l’action du Saint-Siège, en s’appuyant sur une documentation exemplaire.
L’Eglise catholique, il est vrai, baignait à de rares exceptions près dans une culture antisémite qui tenait le peuple du livre pour déicide, et jugeait que les Juifs étaient perfides et ingrats. Elle acceptait donc les politiques antisémites, à condition qu’elles ne versent pas dans l’excès. En tant qu’Etat, le Vatican prônait par ailleurs une ligne neutraliste, pour ne pas s’exposer aux attaques en partialité qu’il avait subies pendant la Première Guerre mondiale. Ajoutons, enfin, que Rome honnissait le bolchevisme. Autant d’éléments qui ne préparaient guère le successeur de Pierre à embrasser la défense des Juifs, malgré le péril de mort qui les visait.
Grande prudence
Si le Vatican ne resta pas les bras ballants face au drame qui se jouait, il se montra pour le moins sélectif dans l’aide qu’il apportait aux réprouvés. Il aid