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Crépusculaire, c’est le mot qui vient en premier pour définir le roman de Victor del Arbol. Une nouvelle fois, l’auteur espagnol s’interroge sur la culpabilité, l’innocence, le pardon, et nous laisse sur le flanc au moment d’achever la lecture de ce livre bouleversant. Depuis la Tristesse du samouraï, paru en 2012, le romancier réfléchit sur les mécanismes de la violence, en particulier sur les enfants. Dans ce premier livre, un enfant lâchait la main de sa mère et ce geste décidait de toute sa vie. Plus récemment, dans le Fils du père, l’écrivain tournait autour de la malédiction des hommes d’une famille «infectée par le virus du malheur et de l’autodestruction».
Ancien policier à la brigade des mineurs, Victor del Arbol connaît bien l’impunité des bourreaux. Aujourd’hui, son héros s’appelle Julian Leal. Cet inspecteur se fait déposer par un taxi, sur la côte galicienne, en février 2005. Il veut revoir les lieux de son enfance, «la maison du calvaire» qui a brûlé en 75, laissant dans les décombres le cadavre de son père assassiné. On pourrait croire qu’il s’agit d’un pèlerinage mais tous les habitants le savent, Leal vient remuer la merde. Il n’a pas oublié ce petit matin où sa mère lui a dit de se cacher lorsque quatre hommes se sont approchés. Trente ans plus tard, le flic risque d’être radié de la police car le passé ne passe toujours pas.
Comprendre pourquoi et comment on choisit son camp
Julian Leal, son cancer du rein qui le menace, ses souvenirs qui l’obsèdent, son désir fou de sauver un gamin qui lui ressemble, est donc le premier personnage important du roman. Mais il faut donner la part belle au duo de policiers, l’inspectrice Virginia Ortiz et son adjoint détestable mais honnête, Soria. Tous deux, opposés mais convaincus, veulent comprendre pourquoi Leal préfère se taire. Viendront également Clara, rongée par la drogue qui la rend servile, et surtout Chinchilla, le gamin martyrisé par des adultes, filmé, détruit, qui n’oubliera jamais.
Victor del Arbol compose alors une danse macabre, cherchant moins à résoudre une enquête criminelle qu’à sonder les âmes, comprendre pourquoi et comment on choisit son camp. Il étudie les monstres, suit les victimes et sait parfaitement que la pureté n’existe pas, qu’on peut juste tenter de sauver les plus fragiles parce qu’ils sont comme vous.
«Combien de versions peut contenir une même vérité ?»
A cette composition qui semble d’abord complexe mais se révèle ingénieuse, il faut ajouter un coup de chapeau à l’écriture qui suggère les silences, les douleurs, les mensonges. «Combien de versions peut contenir une même vérité ?» demande Julian à Virginia. L’auteur découpe ces versions au scalpel pour clore son récit entre le doute et l’espérance, puisque «personne sur cette terre n’est innocent, personne n’oublie, personne ne pardonne».