«Si l’obsession de ma mère était que je sois une fille ou que je le devienne une fois l’ablation de mon sexe achevée, ma grand-mère en avait une autre. Très tôt, elle a voulu m’apprendre à lire et à écrire.» L’enfance de Jean à Vic-le-Comte en Auvergne, largement inspirée de celle de l’auteur, sera placée sous cette double injonction. La première femme, très belle et fantasque qu’il adulait, l’habillait de robes et de colifichets comme une fille ; il se retrouvera plus tard dans la toile de Chaïm Soutine, la Petite Fille à la poupée, qui ouvre le livre et orne son bureau. La seconde, Rose, militante et industrieuse, lui enseigna l’écriture, lui ouvrit la «cathédrale» de papier, l’initia à Jules Vallès. «Lire c’est être sauvé», disait-elle, «sauvé de tout». Jean-Luc Seigle, disparu en mars 2020, venait d’achever ce premier volume d’une ambitieuse trilogie. L’Enfant travesti alterne les flash-back, l’époque de la Grands Guerre et la rencontre de ses grand-parents, et son ressenti de gamin de 6 ans en 1961, aimé et malmené. F.Rl

Arthur est prof, il a les dents jaunes à cause du tabac, une moustache vieillote. Il fait ses mots croisés chaque matin, se penche sur des puzzles de mille pièces tous les soirs, et peigne les franges du tapis pour qu’elles soient bien alignées. Il a aussi des yeux couleur «menthe givrée» : voilà la vie de Marta, son ancienne élève, très mal engagée. Quand le livre commence, quarante ans après la rencontre,