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Histoire

«Vies rebelles» de Saidiya Hartman : le chœur insoumis des femmes noires

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Dans un livre kaléidoscopique où la fiction appuie l’enquête, l’autrice retrace les vies de femmes américaines qui se sont battues contre les assignations raciale et sexuelle.
Une femme portant des vêtements d'homme, vers 1890. (NY Public Library)
publié le 5 mars 2025 à 18h48

Si un seul mot devait résumer le livre de Saidiya Hartman ce serait : déroute. Et, ne nous y trompons pas, ce serait un résumé extrêmement positif. Bien sûr, la première déroute est infiniment triste. Saidiya Hartman, professeure à l’université de Columbia à New York, prend pour objet d’étude ces femmes noires qui, une génération après l’abolition de l’esclavage, ont quitté le Sud des Etats-Unis d’Amérique pour les villes du Nord-Est, à commencer par New York et Philadelphie. Nous sommes au temps des lois Jim Crow. Depuis 1877, celles-ci ont mis en place une ségrégation raciale qui ne sera officiellement abolie qu’en 1964. Saidiya Hartman multiplie les exemples de «la catastrophe qu’était devenue la vie» régie par ces lois entre les années 1890 et les années 1930.

C’était vrai pour tous les noirs du pays, bien sûr – ou plus exactement pour tous ceux qui étaient désignés comme tels. Mais c’était vrai plus encore pour les femmes, dont l’avenir était la soumission à l’autorité d’un mari qui, dans le meilleur des cas, se comporterait «de façon paternelle, en tyran aimable», selon l’image du célèbre sociologue W.E.B. Du Bois, car «c’était ainsi qu’il se représentait ce que devait être un époux à la tête du mé