Le XVIIIe siècle a beaucoup aimé le théâtre. Comme l’observe Louis-Sébastien Mercier à la fin du siècle, «le Parisien de toutes les classes s’engouffre chaque jour dans des salles de spectacles» dont la fréquentation ne cesse d’augmenter jusqu’en 1789. Quant à la décennie révolutionnaire, pas moins d’une vingtaine de théâtres sont en activité simultanément. Dans ce livre savant, Suzanne Rochefort s’intéresse au monde du théâtre comme lieu de travail, en particulier à ses comédiens. Une caractéristique importante est que la vie théâtrale parisienne se divise en deux, avec la Comédie française et la Comédie italienne d’un côté, et le théâtre de boulevard de l’autre. Les deux Comédies jouissent d’un monopole royal et d’un prestige incomparable comparé au boulevard. Cette différence entraîne des conflits et une forte concurrence identitaire entre grands et petits théâtres ainsi que de multiples procès.
Sous l’Ancien Régime, il existe donc un double marché du travail. Comédiens et comédiennes veulent en général être recrutés dans un théâtre privilégié même si beaucoup se montrent peu intéressés, préférant la scène provinciale et coloniale, voire le boulevard parisien. La raison principale tient à la rémunération. Si les salaires des acteurs et actrices vedettes des Comédies, tel Lekain ou mademoiselle Clairon, sont très élevés, comparables aux appointements des plus hauts responsables de l’administration, les débutants doivent se contenter de revenus beaucoup plus limités,