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Voyage au bout de la nuit cathodique avec Maxime Chattam

Avec «Prime Time», l’auteur de best-sellers nous offre un thriller addictif dont l’intrigue entremêle cynisme des médias et impunité de certaines stars de la télévision.
«Prime Time» suit l'histoire de Paul Daki-Ferrand, présentateur vedette du JT de 20 heures de MD1, chaîne leader de Mediaplex, le plus gros groupe multimédia d’Europe. (Getty Images)
publié le 8 janvier 2025 à 12h07

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«- Et si Kratos n’en démord pas ? demanda Charlène.

-S’ils refusent d’aller à Villacoublay, alors, c’est un no-go. Ils ne seront pas autorisés à sortir.

-Ça signifie un assaut ici, avec toutes les contraintes qu’on connaît…, résuma Charlène. Et des victimes probables.

-C’est entre vos mains désormais, fit le militaire sans aucun tact.

Charlène ferma les yeux.

-Donnez-nous quinze minutes que je la prépare, déclara Yanis.»

Quinze minutes pour neuf vies.

La veille avait pourtant été une journée comme les autres… Rentré de Normandie où il avait passé le week-end avec sa famille, Paul Daki-Ferrand, le présentateur vedette du JT de 20 heures de MD1, chaîne leader de Mediaplex, le plus gros groupe multimédia d’Europe, était arrivé comme d’habitude en milieu de matinée pour préparer le journal du soir. Ce lundi matin, dans les locaux de la rédaction, les équipes étaient déjà au travail depuis 8 heures pour sélectionner les sujets, joindre les correspondants, préparer les duplex… Une activité de ruche qu‘affectionnait Charlène, la nouvelle cheffe d’édition, chargée de coordonner les services techniques et rédactionnels jusqu’au soir où, au moment du direct, elle murmurait les ultimes détails du journal à l’oreille du présentateur. Le grand Paul Daki-Ferrand, la star intouchable de la chaîne, «tout sourire, le regard solide avec ce mélange de sûreté réconfortante mais pas prétentieuse et de bienveillance… Le journaliste préféré des Français».

«Antenne dans une minute !» Un JT comme les autres, sans actualité exceptionnelle… Jusqu’à cette caméra qui bouge, ce mouvement au fond du studio, et cette apparition improbable, une silhouette noire, cagoulée, avec un masque chromé figurant un visage impassible, un pistolet à la main qui vient se planter sur la tempe du présentateur. Et cette voix effrayante, déformée par un appareil électronique «Je sais qu’il reste trente secondes avant le retour en plateau. C’est le temps qu’il vous reste pour décider si vous rendez l’antenne ou si vous allez me diffuser en direct. Mais sachez que si je ne me vois pas dans trente secondes sur cet écran, je tire.»

Sans temps mort

Nous sommes à la page 60 et débute alors un des thrillers les plus addictifs que nous ayons lu depuis longtemps. Quelque 550 pages à dévorer pour suivre, minute par minute, le déroulé de cette prise d’otages (plusieurs techniciens sont également retenus sur le plateau) en direct et en prime time – le titre du dernier roman de Maxime Chattam, paru en novembre chez Albin Michel.

L’intrigue est vécue à travers le récit de Charlène, l’oreillette de Paul Daki-Ferrand, qui se retrouve propulsée interlocutrice unique du preneur d’otage. A elle la difficile mission de tenter de maintenir le dialogue, conseillée en régie par Yanis, le négociateur du GIGN. Car c’est une des grandes forces du roman, sa connaissance impeccable des protocoles du groupe d’intervention de la gendarmerie nationale, que l’auteur a longtemps étudié. Equipements, positionnement des forces, techniques de négociation, rôle des politiques et de la justice, lignes rouges face aux demandes de rançon…

Un voyage au bout de la nuit cathodique, sans temps mort, qui se double d’une réflexion sur le cynisme des médias, les réseaux sociaux ou l’impunité pré-#MeToo des stars de la télévision… A ne surtout pas zapper.

Prime Time de Maxime Chattam, Albin Michel, 556 pp., 22,90 euros.