Retrouvez sur cette page toute l’actualité du polar et les livres qui ont tapé dans l’œil de Libé. Et abonnez-vous à la newsletter Libé Polar en cliquant ici.
L’origine de cet ouvrage date de 2001, quand Joddy, une jeune danseuse en tournée à Pau, sent une présence dans la salle de bains de son hôtel. Elle est certaine qu’on la regarde. Après inspection, elle constate que les lieux sont constellés de petites ouvertures toujours à hauteur de regard. Un vrai travail de termites qui ne laisse aucun doute et la police ne met pas longtemps à trouver le coupable : un des gérants est le voyeur. Cette histoire reste dans un coin de la mémoire de la narratrice, Clémentine Thiebault. Jusqu’au jour où l’écrivain-journaliste américain Gay Talese publie en 2016 le Motel du voyeur (éditions du Sous-Sol), où un certain Gerald Foos décrit son «laboratoire d’observation». Pendant quinze ans, cet homme a passé son temps à surveiller ses clients, quantifier leurs habitudes, calculer, classer, tel «un chercheur», comme il aime se présenter.
Plongée dans une nébuleuse
Après la lecture de ce document, Clémentine Thiebault décide d’enquêter à sa manière sur ce phénomène qui ne se limite pas à «regarder sous les jupes des filles». Le résultat, présenté dans Voyeur ! Enquête sur un phénomène de société, est passionnant, complet, à la fois vivant, historique et contemporain. De l’anecdote qui fait sourire au phénomène social, plusieurs pistes sont développées. Comme l’écrit Jean-Luc Hennig dans son ouvrage, le Voyeur, enquête sur une passion singulière (Albin Michel), on plonge dans une nébuleuse en compagnie de «passe-murailles ou maraudeurs impénitents.»
De Pierre Pachet à Jean Eustache, de Sophie Calle à Britney Spears ou Maryvonne Chapalain, la narratrice développe une histoire de violence faite aux femmes. De surcroît, la trousse à outils du voyeur a changé. Fini le bricolage, voici le temps de la minicaméra, complètement invisible, et tant d’autres équipements sophistiqués qu’on retrouvera même dans des réservations Airbnb.
«C’est une drôle d’histoire, alors forcément, au final, ce fut une drôle d’enquête», conclut l’autrice. Dans ce document à la fois personnel dans la mise en scène et universel dans le projet, Clémentine Thiebault met l’accent sur la domination masculine – l’immense majorité des voyeurs étant des hommes. Et le phénomène n’est pas près de disparaître. «Fini le voyeur rivé à sa serrure, solitaire et marginal, le voyeurisme est désormais viral et se répand comme une trainée de poudre grâce aux réseaux sociaux.»