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Pour Mathurine, la forêt amazonienne est un émerveillement. Elle se sent chez elle dans les sous-bois, la rivière, sous la pluie qui tombe brutalement, ébranlant tous ses repères. Pour Wallace, son fils de 9 ans, la jungle est inquiétante, elle semble être partout, le «cerner comme si elle se préparait à l’avaler d’un coup». Et puis, ces histoires d’animaux effrayants, légendaires, comme le Mapinguari avec ses griffes et sa tête de singe ou le Maskilili et ses pieds à l’envers, ne le rassurent pas. Mathurine travaille pour la protection de l’enfance et la disparition d’une adolescente prénommée Méryane ne lui sort pas de la tête. La jeune fille a fugué et, comme tant d’autres, a disparu. Son père, un homme plus maladroit que violent, ne s’en remet pas non plus. Chasseur, il arpente la forêt et croit voir une silhouette, sent une présence étrange qui rappelle tant de choses à Mathurine, tant de souvenirs qu’elle voudrait effacer.
Dans le précédent volume de Colin Niel, Darwyne (Grand Prix de littérature policière 2023, tout juste publié par le Livre de poche) situé dix ans auparavant, nous étions déjà en Guyane avec un gamin de 10 ans au physique bizarre, sa mère maltraitante, et Mathurine qui s’était attachée à l’enfant. Colin Niel replonge ses lecteurs dans cet univers où légende et réalité se confondent. Mathurine adore son fils mais la forêt l’obsède et l’oblige à s’y avancer jusqu’à se perdre, oubliant sa vie, effaçant même le souvenir de son petit garçon qui l’attend. Elle est comme envoûtée.
Pour chaque personnage de ce roman fascinant, il faudra traverser ces lieux chimériques, cette faune menaçante, tantôt attirante, tantôt diabolique et c’est là que Colin Niel est à son meilleur. Il tisse une histoire de filiation entre une mère et son fils, un père et sa fille, dans un monde presque parallèle, plein de cris d’animaux, de voûtes déployées, de cigales vrombissantes, de lianes, de sifflements. Mais le romancier ne se contente pas de décrire la faune, la flore et la magie, il nous entraîne avec lui, nous émeut en accompagnant ces enfants perdus et ces parents qui ne sont pas toujours à la hauteur de leur mission familiale. L’Amazonie devient mythologique quand la fiction trace sa route. On en sort bouleversée tant l’émotion est palpable. «Je t’aime d’un amour grand comme toute l’Amazonie», se répètent Mathurine et Wallace, balayant enfin tous leurs fantômes et les nôtres.