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Yanick Lahens : «Le roman commence là où on bute sur un silence»

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Entretien avec la romancière haïtienne qui, dans «Passagères de nuit», romance son histoire familiale à travers deux portraits de femmes au XIXe siècle.

Yanick Lahens au Centre national du livre à Paris, le 25 septembre 2025. (Patrice Normand/Leextra. Opale)
Publié le 10/10/2025 à 13h29

Ce sont des lointaines aïeules, dont Yanick Lahens savait si peu de choses. L’une, Elizabeth, venait de La Nouvelle-Orléans, descendante d’esclave, l’autre aimait follement un héros de l’indépendance, le général Léonard Corvaseau, fils de la première. L’Haïtienne Yanick Lahens romance son histoire familiale à travers ces deux portraits de femmes au XIXe siècle. Dans une langue tressée de créole, elle leur donne de la voix pour restituer charnellement cette époque, la condition d’esclave avant l’affranchissement, les tentatives de viols, les maltraitances subies, le rôle des plus âgées dans leur apprentissage, et la joie de l’amour partagé. Sombre et joyeux, Passagères de la nuit, en lice pour le Goncourt, est sans doute le livre le plus personnel et intime de l’autrice de Bain de lune. Entretien.

Aviez-vous en tête ce livre depuis longtemps ?

Un jour, une tante m’a dit qu’une de mes aïeules venait de Louisiane. Pour une romancière, c’est fantastique ! Elles étaient deux sœurs, Sarah Jane et Elizabeth. J’ai commencé à griffonner des notes tandis qu’elle me parlait. J’ai fait le lien avec mon arrière-grand-mère morte quand j’avais 10 ans, une femme imposante, silencieuse, qui m’a initiée au café, son rituel du matin. Elle a été la compagne du fils de cette bisaïeule appelée Elizabeth, venue de La Nouvelle-Orléans. J’ai toujours vu dans la famille la photo d’un monsieur très clair de peau, avec sa moustache, son habit de général, plein de prestance. On