Dans ce volume de la collection Quarto, anthologie de l’œuvre d’un écrivain mort ou vivant, la partie dédiée aux repères bibliographiques ne compte pas de dates, alors que le thème qui coiffe peu ou prou tous les textes de la romancière et dramaturge Yasmina Reza est le temps, les atteintes qu’il fait aux muscles, au caractère, au couple ; le bonheur perdu, particulièrement celui des instants partagés avec les enfants. Dans Hammerklavier, republié ici, elle écrit : «Le temps : le seul sujet». De ce paradoxe, il ne faut pas déduire que Reza fuit le temps parce qu’il l’obsède, mais qu’elle le travaille autrement que sous forme de chiffres. Elle s’en empare à la manière de l’écrivaine qu’elle est, à travers des souvenirs qu’elle fouette pour en chasser le sentimentalisme. Par exemple, dans Hammerklavier encore, publié en 1997, trois ans après le succès mondial d’Art, il y a ce texte d’une page, «le Sourire édenté», tendre et grinçant. Yasmina Reza s’y souvient de sa fille, prise en photo à 8 ans dans un refuge de montagne. Elle souriait de joie, «de toutes ses dents ou plutôt de toutes ses “non-dents”. Car c’est sur ce sujet que je veux écrire : le sourire fabuleux, bouleversant de l’édentée». Et plus loin : «Il n’y a guère que les enfants de cet âge, les chiens ou les vieux non vernissés qui savent offrir au monde ce gouffre bienfaisant.» <
Anthologie
Yasmina Reza par tous les temps
Article réservé aux abonnés
Le cahier Livres de Libédossier
Yasmina Reza, à Berlin, en 2022. (Britta Pedersen/DPA)
publié le 12 avril 2024 à 13h14
Dans la même rubrique