«Ne nous abandonnez pas»; «Vous reviendrez nous voir ?»; «Vous allez nous manquer»… A quelques semaines de la retraite, le vieux médecin n’a pas fini de les entendre, ces paroles émues. Il peut toujours plaisanter pudiquement, il sait bien que ce ne sont pas de simples formules. Il suffit de regarder ses patients, la gorge serrée, les yeux humides, la peur d’être lâchés dans la nature, et l’appréhension palpable de ne pas retrouver, chez celui qui le remplacera, la disponibilité et l’écoute qui furent les siennes et qui font tout le prix d’une médecine de ville à visage humain.
Mais ici, dans ce quartier populaire de Romainville, en région parisienne, comme un peu partout en France, la médecine de ville connaît une crise des vocations. Des cabinets médicaux ferment sans trouver de successeurs et ceux qui restent sont débordés, leurs salles d’attente bondées, les praticiens enquillant à la chaîne parfois jusqu’à quarante patients par jour.
Détresse
Le docteur Mesdom, lui, a certes pu en trouver un, un jeune thésard un peu distant, mais qui n’a nulle intention de suivre son chemin et de se dévouer corps et âme à sa patientèle. Ses méthodes s’annoncent radicalement différentes : emploi du temps amputé de deux jours, pas ou très peu de visites à domicile, consultations sur rendez-vous uniquement… Une rigidité qui pourrait bien laisser au bord de la route les patients âgés ou handicapés qui ne peuvent se déplacer, ou ceux, fragiles, en grande détresse psychique ou socia