Ça commence quelque part sur un chemin caillouteux avec au loin les montagnes pelées d’Afghanistan, giflées par un vent glacial. Des hommes portant la kurta et le shalwar (tunique longue et pantalon flottant) tapent la balle, une batte à la main. Ça s’agite et s’invective aussi joyeusement que rageusement. Le cricket est un jeu, mais c’est du sérieux, comme la vie. C’en est à la fois le cœur et la périphérie, le sel et le divertissement, qui précisément fait diversion d’une existence muselée par des années de dictature talibane. L’image est désaturée, à la fois nette et trouble, comme le souvenir – car c’en est un. Et celui dont on découvre bientôt le visage juvénile et solaire n’est pas du genre à ressasser le passé. Pour Shahid, 18 ans, le décor a changé, la mer du Nord et les plaines des Flandres ont remplacé les massifs montagneux encerclant son Kaboul natal, mais la passion du cricket, elle, ne l’a jamais quitté.
Il aurait pu, comme la plupart des migrants se fondre aux fantômes erratiques qui peuplent encore les alentours de Calais en attendant de gagner l’Angleterre, mais il a préféré rester et s’est trouvé une famille de substitution : le Saint-Omer Cricket Club Stars, ou Soccs, première équipe des Hauts-de-France, constituée uniquement de réfugiés indiens, pakistanais ou, comme lui, afghans.
Une origine nordiste
L’histoire des Soccs, si singulière et si belle, a fait le buzz un peu partout en Europe, jusqu’aux Etats-Unis. Et c’est cette success story que relate avec une émouvante l