Le roman de Monsieur N. est aussi noir que lui-même. Anti-héros énigmatique, pitoyable, en détresse, «disloqué, désarticulé» comme il se qualifie lui-même, le narrateur, écrivain à la dérive, enfermé dans une chambre d’hôtel, tente d’écrire son histoire. «J’avais des yeux de la couleur de l’olive verte saumurée, chargés de la même amertume. Je ne sais pas pourquoi je dis “j’avais”. J’ai l’impression que tout mon être se conjugue au passé. J’étais, voilà le verbe qui m’exprime vraiment : j’étais. Et cela depuis que je suis né.» Sa vie est un cumul de malheurs et d’erreurs, tantôt subis tantôt recherchés, toujours extrêmes. L’homme sans âge ni d’autre nom que son initiale a vécu un nombre de drames qui pourraient endeuiller plusieurs vies. Il a vu son père, médecin, se suicider devant ses yeux, puis sa mère s’enjoliver de noir pour les mondanités du deuil avant de mourir des années plus tard. Enfant haï plutôt que fruit d’amour, le fils de Sorayya qu’il ne désigne jamais comme «maman» est confronté dès son plus jeune âge à une Folcoche, d’autant plus cruelle qu’elle idolâtre son fils aîné tout en affichant un franc dégoût pour son cadet. Sayed le grand frère rival arrogant, jouissant sans scrupule du favoritisme maternel met son cadet sous sa tutelle après la mort de leurs parents.
Lépreux et estropiés
Dès le départ, on est accroché par les personnages excessifs, autour d’un héros hégémonique que Najwa Barakat met en scène sans retenue. Dans ce troisième de ses romans traduits en fran