Il n’y eut pas beaucoup de cinéastes plus élégants que David Lynch, à part peut-être Robert Bresson ou Jean Cocteau. Pendant longtemps cette élégance se conjugua, comme chez les dandys véritables, à une insondable timidité. Témoin son modeste caméo dans Dune, plus ou moins consenti au milieu du panier garni de couleuvres que fut pour le cinéaste ce blockbuster renié : «Je n’ai pas apprécié, mais je m’en félicite car je sais ce que les acteurs endurent.» Il avait trois répliques.
Surmontant pour de bon ce mal nécessaire «phénoménalement effrayant», en acceptant le premier rôle masculin de l’oublié Zelly and Me en 1988 avec sa compagne Isabella Rossellini, Lynch se révèle avec l’agent fédéral Gordon Cole dans Twin Peaks. Equipé de visibles et défectueuses audioprothèses, Cole est un personnage burlesque, sorte de professeur Tournesol répondant toujours à côté, parlant trop fort, usant de codes inintelligibles. Le gag n’est pas dénué d’ironie, voire d’une certaine résonance politique : l’émissaire des services secrets a une discrétion de pachyderme. Cole est surtout un émissaire du cinéaste : il fait autorité dans