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A Los Angeles, les incendies ont ravagé les archives du compositeur Arnold Schönberg

Le fils du musicien autrichien, à l’origine de la grande révolution du dodécaphonisme, a annoncé que de nombreux manuscrits et partitions originales avaient été détruits dans les feux.
Arnold Schönberg et sa famille, en 1950 à Los Angeles. (PhotoQuest. Getty Images)
publié le 14 janvier 2025 à 11h52

On peut estimer la perte, d’ores et déjà, considérable. Une mine de documents des archives d’Arnold Schönberg (1874 -1951), compositeur autrichien à l’origine de la plus grande révolution musicale de la première moitié du XXe siècle, le dodécaphonisme, a disparu dans l’incendie du quartier de Pacific Palisades, à Los Angeles. Dans un communiqué publié par Larry Schönberg, professeur de mathématiques à la retraite et fils du compositeur, on a appris lundi que «tout l’inventaire des ouvrages destinés à la vente et à l’emprunt - comprenant des manuscrits, des partitions originales et imprimées - a été brûlé». L’archive était entreposée dans les locaux de Belmont Music Publishers, maison d’édition de l’œuvre de Schönberg, également domicile de Larry Schönberg, située à deux pas du plus vieux Starbucks du quartier. «Exclusivement dédié à la préservation et à la promotion» de la musique de Schönberg, Belmont Music Publishers sert depuis les années 1970 «de lien vital entre le legs visionnaire du compositeur et les interprètes, les universitaires et les mélomanes», assurant la circulation des compositions «depuis ses premières œuvres romantiques jusqu’à ses pièces dodécaphoniques révolutionnaires. Ces œuvres, incluant des compositions telles que la Nuit transfigurée ou le Pierrot Lunaire, sont des fondations du répertoire classique du XXe siècle.»

Mais que faisaient l’archive et la maison d’édition des œuvres d’Arnold Schönberg à Los Angeles ? Le grand libérateur de l’harmonie, né artistiquement comme héritier flamboyant du post-romantisme des Strauss et Mahler avant de devenir «progéniteur de l’atonalité, codificateur du dodécaphonisme, agitateur qui pratiquait la polémique comme un sport» (Alex Ross) émigra d’Europe en Californie en octobre 1933, quelques mois après la promulgation par l’Allemagne nazie de sa loi pour la restauration du fonctionnariat et la mise à pied des fonctionnaires d’origine juive. Exclu de l’Académie des arts de Berlin où il travaillait depuis 1926, Schönberg avait rejoint la France en avril, avant de s’embarquer pour les Etats-Unis. Invité à donner des cours de théorie musicale et de composition à Boston et à New York avant de déménager à Los Angeles, ouvrant une classe privée (où il comptera parmi ses élèves John Cage et Lou Harrison) avant d’être nommé professeur à UCLA. Il s’installera à Brentwood Park, en face de la maison de Shirley Temple, à proximité des domiciles de Thomas Mann, du pianiste Arthur Schnabel et du chef d’orchestre Bruno Walter, se liant d’amitié avec Harpo Marx et un autre voisin de renom, George Gershwin, avec qui il jouait régulièrement au tennis.

Nommé citoyen d’honneur de la ville de Vienne in absentia en 1949, Arnold Schönberg ne retourna jamais ni en Autriche, ni ailleurs en Europe. La maison de style «Spanish revival» des Schönberg, située 116 North Rockingham Avenue et où résident toujours Ronald Schönberg et sa femme Barbara Zeisl Schoenberg, fille du compositeur Eric Zeisl, est à cette heure hors de danger. De même la grande partie des manuscrits, musiques et écrits, photographies, journaux intimes et programmes de concert de Schönberg, ainsi que sa bibliothèque, conservés au Arnold Schönberg Center inauguré à Vienne en 1998.