«Tu aimes prétendre que tu n’as aucune idée de qui je suis /je sais que tu as un poster de moi dans ta chambre /Tu prétends être le méchant, mais tu manques d’affection /Mais viens ici, viens plus près, je signerai ta photo.» Dans une chanson intitulée Fanático («Fanatique»), la reine de la pop argentine Lali interpelle le président Javier Milei et multiplie les allusions à leurs nombreuses confrontations qui défraient la chronique depuis l’arrivée au pouvoir de l’économiste ultralibéral en août 2023. La mélodie est frénétique, les paroles corrosives, l’équivalent d’un raid musical.
Sorti il y a cinq jours, le clip a déjà été vu plus de deux millions de fois sur YouTube. Fanático rappelle Obsessed de Mariah Carey, sorti en 2009 qui répondait aux accusations sexistes du rappeur américain Eminem. Mais cette fois, la musique vient flirter avec la politique.
C’est la suite d’un long feuilleton qui a démarré le 14 août 2023 par un tweet. Ce jour-là, coup de tonnerre en Argentine, Javier Milei sort en tête du premier tour de l’élection présidentielle. Lali publie alors sur X ce message : «Quel danger. Quelle tristesse.» La ligne politique du dirigeant est aux antipodes des valeurs de la star, décrite par le journal El País comme «progressiste et féministe».
Que peligroso. Que triste.
— Lali (@lalioficial) August 14, 2023
S’ensuivent plusieurs apostrophes virulentes. En février, Milei qualifie Lali de «parasite» sur un plateau télévisé, faisant allusion aux subventions dont elle bénéficierait en tant qu’artiste. Dès son arrivée au pouvoir, le Président avait témoigné son hostilité à la culture à travers plusieurs mesures : suppression des fonds d’aide du CNC local, privatisation d’écoles de cinéma, annulation de festivals phares, fermeture de salles… La réponse de l’artiste n’a pas tardé. Toujours sur X, elle rétorquait : «Je ne connais rien d’autre que le travail et c’est toujours ainsi que je gagne ma vie. […] Je crois que diaboliser une industrie et les personnes qui la composent n’est pas une solution», répondait-elle, interpellant directement le Président.
Un clash très rock
Fanático poursuit ces échanges houleux en musique. Durant deux minutes quarante-cinq, Lali enchaîne les allusions à ces altercations. Elle instille des références aux Rolling Stones, dans un son rock. Clin d’œil à une interview de Milei, qui avait assuré dans une radio locale, peu après son investiture, qu’il ne connaissait que ce groupe ou presque, alors qu’il était interrogé au sujet de Lali : «J’écoute les Rolling Stones ou j’écoute de l’opéra», avait-il dit alors, selon le quotidien argentin la Nación.
Le journaliste s’en était étonné, Lali est une star nationale. Ses albums se vendent à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires et sa musique rassemble 2,7 millions d’auditeurs mensuels sur Spotify. La femme de 32 ans a aussi multiplié les rôles dans plusieurs télénovelas. «Tu aimes faire comme si tu n’avais aucune idée de qui je suis», chante-t-elle, avec une ironie non dissimulée.
Extrême droite
Autre fait notable, le décor du clip est un entrepôt lugubre, ce qui peut être compris comme une référence au surnom donné par Milei à la chanteuse : Lali «Depósito» (dépôt) plutôt que «Espósito», son nom de famille. «Lali Depósito a collecté de l’argent auprès de plusieurs gouvernements», avait-il alors affirmé lors d’une interview accordée à la chaîne LN + en février, faisant allusion à de considérables subventions versées au festival dans lequel se produisait la chanteuse au même moment, l’un des plus importants d’Amérique latine, Cosquín Rock. L’organisateur de l’événement, José Palazzo, a rapidement démenti cela sur X, indiquant que ces financements provenaient surtout d’«entreprises privées».
Perruque échevelée
Dans le clip, Lali porte une perruque échevelée, allusion directe à Milei, souvent surnommé «la peluca» (la perruque) sur les réseaux sociaux en raison de ses cheveux hirsutes. Parmi les figurants, un homme avec des favoris – à l’image du chef d’Etat argentin –, interpelle violemment la chanteuse alors qu’elle tient entre ses mains un journal où sa photo fait la une, accompagnée du titre «Escándalo» («Scandale»).
Ces multiples références ont interpellé la presse nationale, et provoqué d’innombrables réactions sur les réseaux sociaux. «Lali, tu as fait plus que toute la CGT réunie», la félicite un utilisateur. «Je te comprends Milei, je suis aussi obsédée par Lali», s’amuse un autre. Certains commentaires sont moins enthousiastes à l’égard de la chanteuse : «Je pense que ta carrière n’a pas besoin d’être liée à la politique.» D’autres sont carrément virulents : «Tu devrais disparaître», «tu es une blague nationale». Milei n’a pas encore réagi au clip.