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Au musée Gustave-Moreau, la direction accusée de recruter un prestataire privé pour contrer une grève qui dure

Mobilisés depuis près d’un an pour réclamer de meilleures conditions de travail, les salariés du musée parisien, régulièrement fermé en raison du mouvement social, dénoncent le recours à des intérimaires pour les Journées du patrimoine. La direction plaide le surcroît de travail.

Les salariés du musée Gustave-Moreau sont régulièrement en grève depuis octobre 2024. (Patrick Tourneboeuf/Tendance Floue/Tendance Floue)
Publié le 01/10/2025 à 11h56

En ce début de semaine, l’ancien atelier du peintre et sculpteur Gustave Moreau, métamorphosé en musée dans le IXe arrondissement de Paris, est fermé. C’est «exceptionnel», précise le site Internet de la bâtisse, qui abrite 14 000 œuvres. Cela fait suite à un «mouvement social actuellement en cours». Loin d’être ponctuelle pourtant, ces journées de fermetures entières ou partielles ont lieu de façon régulière depuis près d’un an – la direction de l’établissement en recense 73 depuis janvier 2025.

Et depuis les Journées européennes du patrimoine les 20 et 21 septembre, la tension est montée d’un cran. Car durant le week-end, la direction a fait appel à un prestataire privé, Marianne International, afin de recruter quatre hôtesses, formée dans la foulée, alors que plusieurs agents s’étaient mis en grève.

«Prêt illicite de main-d’œuvre»

Alertés par la situation, des représentants du Syndicat national des musées et domaines (SNMD-CGT) se sont rendus sur place afin de constater ce qui pourrait constituer une infraction, car remplacer des postes de titulaires en grève par des intérimaires s’apparente à du «prêt illicite de main-d’œuvre» selon le code du travail. Quatre hôtesses étaient bien présentes dans les salles du musée Gustave-Moreau. Son directeur Charles Villeneuve de Janti assure à Libération que «le musée était en capacité d’ouvrir même sans renfort», et que l’appel à quatre hôtesses n’était prévu que pour soulager le travail des salariés en ces journées d’affluence. Les grévistes et le syndicat dénoncent cette version, soulignant qu’il faut quatre salariés minimum pour ouvrir le musée.

Or, s’il y avait bien «cinq membres du personnel» durant le week-end comme l’affirme le directeur, l’un était un gardien de nuit et l’autre un vigile, d’après le planning du jour. Il n’y avait donc pas assez de monde pour ouvrir, puisque le règlement interne stipule que «l’effectif minimum prévu pour assurer l’ouverture au public s’élève à 4 agents pour les espaces muséographiques». Interrogé à ce sujet, le ministère de la Culture dont dépend l’institution n’a pas donné suite à nos sollicitations. Depuis, l’établissement est fermé en continu.

Un «management agressif et violent»

Le personnel s’est engagé dans un long mouvement de grève initié en octobre 2024 pour protester contre des «conditions de travail dégradées». Il déplore l’absence de dialogue avec la direction, ce que réfute Charles Villeneuve de Janti. Ce dernier assure avoir proposé «trois protocoles d’accords», tous refusés par les syndicats. «Malgré l’organisation de plusieurs réunions de négociations, les positions de nos interlocuteurs n’ont connu que peu d’évolutions», souligne-t-il.

Ces protocoles consultés par Libération proposent effectivement des réformes, mais qui restent très limitées au regard de la trentaine de doléances exprimées par personnel – mesures d’urgence concernant la climatisation et le traitement de l’air dans les bâtiments, mise en place de tickets-restaurant, titularisation des postes contractuels qui le souhaitent, respect du dialogue social et du rôle des représentants des personnels dans les instances…

Un délégué syndical du musée Gustave-Moreau, Thomas (1), dénonce également un «management agressif et violent. On incrimine les agents, notamment les représentants du personnel». Il relate que plusieurs d’entre les salariés syndiqués ont été convoqués dans le cadre de procédures disciplinaires, notamment pour leurs absences répétées dans le cadre de grèves pourtant déclarées. En outre, plusieurs d’entre eux sont en arrêt maladie à cause de leurs conditions de travail, assure-t-il.

Des pertes financières importantes

Depuis octobre dernier, «certains agents ont cinquante à cent jours de grève au compteur», énonce Nathalie Ramos, secrétaire générale CGT-Culture. Une perte financière non négligeable pour eux, se chiffrant à plusieurs milliers d’euros de salaire, énonce Thomas. Le musée, lui, accuserait un manque à gagner à cause des multiples jours de fermeture.

Si le directeur souligne que «l’impact potentiel des grèves sur le résultat financier de l’année ne pourra être évalué qu’à l’issue de l’exercice 2025», une source interne au musée évoque un écart de 200 000 euros dans les caisses du musée par rapport à l’année passée. Son budget annuel est d’environ 1,4 million d’euros, financé à 70 % par une subvention du ministère de la Culture (997 000 euros) et à 30 % par leurs propres recettes (400 000 euros).

(1) Le prénom a été modifié.