Ce n’est pas une légende : Allumer le feu, de Johnny Hallyday, claironne régulièrement dans les crématoriums français avant que débute la combustion du cercueil. Tantôt parce que le défunt était fan, d’autres fois parce que les proches souhaitent détendre l’atmosphère en perpétuant l’appétence du disparu pour l’humour noir. Ce qui n’empêche pas l’assistance d’écouter également l’Ave Maria de Schubert et Unforgettable de Nat King Cole au cours de la même cérémonie. La programmation musicale des obsèques est une gageure où tout semble permis, même si pas toujours recommandé, du tire larmes Goodbye my Lover de James Blunt au burlesque Big Bisou de Carlos (ça arrive).
André Malraux n’a jamais chanté Big Bisou – il est mort un an trop tôt – mais ça n’aurait sans doute pas infléchi son opinion que «la musique seule peut parler de la mort» (La Condition humaine, 1933). L’écrivain suggérait ainsi qu’elle se substitue utilement à la parole pour exprimer l’indicible expérience de la perte, que le cadre soit religieux ou profane. A l’exception notable des cérémonies musulmanes et juives qui privilégient les prières et les lectures, la variété des pratiques est infinie selon les époques et cultures, des fanfares de la Nouvelle-Orléans aux percussions du gamelan lors des crémations à Bali, en passant par les chants polyphoniques des pygmées Aka de Centrafrique, inscrits au patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’Unesco. En