Les femmes d’abord. Et si c’était le nouveau mot d’ordre artistique de Ninja Tune ? Ces derniers mois le vénérable label londonien, où jusqu’ici les mâles régnaient en maîtres (des fondateurs Coldcut, aux «stars» maison Amon Tobin, Bonobo, Cinematic Orchestra, Jordan Rakei ou Young Fathers), s’est enfin ouvert largement à de nouvelles héroïnes. En témoigne, une série d’albums remarquables sortis en rafale et signés TSHA, Jayda G, Nabihah Iqbal, Róisín Murphy et aujourd’hui Sofia Kourtesis dont la house enchanteresse en grande partie vocalisée nous soulève. Au contraire de ces LP électroniques où l’auteur se perd en inutiles circonvolutions avant d’entrer dans le vif du sujet, la productrice frappe d’emblée avec Madres, manifeste enjoué, dédié à toutes les mères du monde.
L’indéniable côté «élégiaque» de sa musique tranche pourtant avec le parcours accidenté de la jeune femme. Aujourd’hui installée en Allemagne, elle a quitté à 17 ans son Pérou natal. La raison ? Surprise à embrasser une fille dans les toilettes du lycée, elle est envoyée chez un prêtre et menacée, non pas d’exorcisme (quoique…) mais bien d’une thérapie de conversion. Direction Berlin où elle envisage de se diriger vers la réalisation de films. Mais c’est quelques années plus tard, en assistant à la grand-messe de Detroit, le Movement Festival qu’elle avale avec gourmandise l’hostie électronique. C’est acté, désormais les machines seront son nouveau credo et elle entre dans les ordres du BPM. Après plusieurs EPs remarqués, parus depuis 2019, elle publie aujourd’hui ce premier album très personnel aux indéniables racines latino, où chaque track renvoie à des souvenirs intimes. A l’image de cet émouvant Vajkoczy du nom du neurochirurgien qui a opéré sa mère d’une grave tumeur au cerveau et avec lequel elle a nourri une relation autour de la musique, au point de lui dédier un second titre sur Madres : How Music Makes You Feel Better. On ne saurait mieux résumer Sofia Kourtesis.
Sofia Kourtesis Madres (Ninja Tune)
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