Minuit en Amérique, à l’aube des années 90. Des centaines de disquaires lèvent leur rideau de fer en pleine nuit pour des hordes en bandana, billets de 20 dollars en pogne. Ce 17 septembre 1991, Guns N’Roses sort non pas un, mais deux albums, Use Your Illusion I & II. Ventes planétaires et records dédoublées. Smells Like Teen Spirit, sorti la même semaine, ringardisera bientôt futes en skaï et Jack Daniel’s. Mais, à ce moment-là, les Angelinos menés par Axl Rose, le Barberousse en moule-bite de West Hollywood, et Slash, le gratteux à l’afro sous le haut-de-forme, ne forment pas juste «le groupe le plus dangereux du monde» − réputation entretenue avec un zèle qui se paiera en cirrhose et autre pacemaker implanté avant la quarantaine − mais aussi le plus lucratif que le genre heavy ait jamais connu.
23 novembre 2008. Dans un brouhaha mêlant dérision et incrédulité sort enfin Chinese Democracy, premier recueil d’originaux estampillées «Guns» depuis la guerre du Golfe. Axl Rose est depuis longtemps seul à la barre, à la tête d’une armée de mercenaires qui ont usiné une soixantaine de titres jusqu’à la déraison pendant près de quinze ans. Finalement, l’album n’en comporte que quatorze pour autant de studios d’enregistrement crédités. Un enchevêtrement de riffs et d’ornements à la limite du bruitage, comme autant de sédiments sonores. L’arlésienne est, selon les comptables, l’album rock le plus cher jamais produit (le deuxième tous genr