«Je suis différente quand ma voix doit suivre les guitares, ou quand ma voix guide le tambour.» Cette phrase assortie d’un sourire n’avait pas manqué de nous marquer lors de notre entrevue voici tout juste deux ans, en avril 2023, avec Badi Lalla. Celle dont on vient d’apprendre le décès, à l’hôpital de Tizi Ouzou en Algérie où elle avait été admise quelques jours plus tôt en soins palliatifs, avait encore le regard aussi perçant que son chant fut envoûtant, tout à la fois rauque et sensuel. Dans son antre de Tahaggart, grand quartier de Tamanrasset où s’agglutinèrent les Touaregs suite à la grande sécheresse de 1973, cette diva du tindi, ce son féminin qui serpente au sein du Sahara, était considérée comme la mère spirituelle de tous les Touaregs.
C’est à ce titre que les musiciens de Tinariwen l’avaient conviée lors d’un concert en décembre 2014 aux Bouffes du Nord qui la révélera aux oreilles des profanes parisiens et permettra de graver dans la cire une mince partie de son immense art, ancré dans une tradition mystique, qu’elle avait su subtilement réformer. «Tous les Tinariwen sont mes enfants !» Et c’est vrai que tous reconnaissent avoir été bercés par le chant de celle qui, à ses grandes heures, jouait le rôle de juge de paix d’une communauté réfugiée à Tamanrasset. Avant même que le blues du désert devienne une