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Libération
La pochette

Big Brother & The Holding Company, comptes et légendes

Dessiné par le génial Robert Crumb, le strip illustrant le deuxième album du groupe de Janis Joplin n’était pas pensé pour devenir l’une des pochettes les plus célèbres du rock.
«Cheap Thrills», deuxième album du groupe de Janis Joplin, Big Brother & The Holding Company. (DR)
publié le 20 janvier 2024 à 0h11

Les idées

Sex Dope and Cheap Thrills («sexe, drogue et frissons de bas étage») : si le titre du deuxième album du groupe de blues rock psychédélique mené par Janis Joplin était, dans l’esprit de ses membres, représentatif de la vie qu’ils menaient, sa maison de disques CBS le refuse. Trop provocateur. Raccourci en Cheap Thrills, ce classique du San Francisco de la fin des années 60 a désormais besoin d’une pochette. Un premier essai est un ratage total. Joplin avait imaginé une photo des cinq musiciens nus dans le même lit. Le résultat est plus glauque que glamour, au point qu’une autre session est montée avec le grand photographe de mode Richard Avedon. Sans succès.

Recto verso

Un soir, dans leur entrepôt et lieu de vie, les cinq musiciens ont une illumination. Et pourquoi pas Robert Crumb, dont les dessins font le bonheur de la presse underground de Frisco. Crumb accepte, assiste à un concert et livre deux jours plus tard un projet. Au recto, un dessin d’instruments avec les photos des visages de chacun posés dessus. Au verso, une succession de vignettes illustre un à un les titres de l’album, et chaque membre du groupe. Le verdict est sans appel : le verso devient le recto.

La retouche

Clive Davis, président de CBS, refuse le morceau Harry, un court instrumental qui ouvre la face B. Problème, la pochette a désormais un dessin de trop, représentant un personnage en turban (Harry était devenu Hari Krishna). Une petite main du département artistique de CBS se charge alors de modifier le dessin, remplaçant dans un lettrage similaire «Harry» par «Art : R. Crumb». Furieux de ne pas avoir été prévenu, le dessinateur refuse le chèque de 600 dollars qui lui est dû et en oublie même son original chez CBS. Il ne viendra jamais le chercher.

Les enchères

Les enchères. Un an après le décès de Janis Joplin, les quatre membres du groupe veulent récupérer le dessin original de Crumb. Embarras du label : impossible de remettre la main dessus. Au début des années 80, Dave Getz apprend que le dessin, volé donc, est mis aux enchères par Sotheby’s pour 25 000 dollars. Plainte, procédures judiciaires… Rien n’y fait. Rebelote quelques années plus tard, quand le dessin est revendu 250 000 dollars au CEO de Nike, Mark Parker. L’œuvre de Crumb rejoint alors son bureau, véritable musée personnel du rock.

Big Brother & The Holding Company Cheap Thrills » (CBS, 1968)