C’était l’apogée de MySpace, à la tombée des années 2000, quand n’importe quel solitaire au cœur ébréché larguait son trop-plein de chansons tremblées dans les grands vents du numérique musical encore amateur. Bill Ryder-Jones avait grandi trop vite au sein d’un groupe emballant, The Coral, fondé à l’âge de 13 ans avec d’autres garçons plus robustes du Merseyside, et dont il s’était exfiltré au bout de cinq albums, en proie à des crises de panique incompatibles avec le rythme des tournées et leurs ardeurs masculinistes. Sur MySpace, le fragile guitariste reprenait à zéro ses tablatures pour disperser sans but des instrumentaux voués à lui occuper l’esprit, ainsi que quelques chansons renfrognées et peu compétitives.
Et sans l’obstination de Laurence Bell, le patron du label Domino, la silhouette coiffée d’un amas de boucles du garçon hors service aurait probablement fondu au noir dans l’oubli. Car Bill Ryder-Jones, qui publie seulement son cinquième (et meilleur) album en quinze ans, vit douloureusement à proximité d’un fantôme, celui de son frère aîné, mort à l’âge de 9 ans après avoir chuté d’une falaise quand la famille était en vacances au pays de Galles. Bill a baptisé de son prénom, Daniel, une chanson de l’album West Kirby County Primary en 2015, quand trois ans plus tard la photo du gamin hi