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Retrospective : appliqué aux 50 ans de la carrière solo de l’éternel dandy rock et capitaine du yacht Roxy Music, le titre de ce coffret fait plus l’effet d’un catalogue d’exposition (Ferry, l’ex-étudiant en art auprès de Richard Hamilton) ou de cinémathèque (Ferry, le fan du Hollywood de l’Age d’or) que d’une compile réchauffée. 81 chansons (dans la version «deluxe» 5 CD), entre hits (Slave to Love, na-na-na-na), compositions pour connaisseurs (I Thought, chanson de western spaghetti spatial imaginaire, coécrite avec Brian Eno) et curiosités rares (Lowlands Low, chanson de marin avec Anohni aux chœurs). Comme pour toute rétro, le temps a bien fait son œuvre, réhabilitant notamment les chansons de l’album Mamouna (1994), mal accueilli à sa sortie comme un mausolée groovy, mais qu’il faut réécouter comme un beau lamento luxuriant. Ferry, ce jardinier à la française comme Le Nôtre, qui verrait une partie de guitare comme une topiaire pour mettre en valeur la tour d’ivoire de ses sentiments («I want to be alone», fait-il, comme Greta Garbo, dans le magnifique The Only Face).
Si Roxy Music émanait d’un plasticien frustré (du collage pop art du premier album à l’impressionnisme d’Avalon), les disques de Ferry solitaire sont son rêve d’acteur, multipliant les reprises comme si c’étaient des rôles, s’attaquant courageusement à des sommets pour se les réapproprier (le presque parodique Smoke Gets In Your Eyes, les lectures vaporeuses de I Put A Spell on You et Johnny and Mary ou sa fixette curieuse mais sincère pour Bob Dylan, dont il déconstruira A Hard Rain’s a-Gonna Fall en perle camp). Décliné en funkster clinquant ou jazzman rétro (reprenant, comble du snobisme, ses propres morceaux en airs pour big band sur The Jazz Age) le meilleur rôle de Bryan Ferry reste bien sûr le sien : le romantique maudit à la recherche d’une perfection inaccessible, Jay Gatsby rêvant au bord de la piscine. Le titre Star, nouvelle pièce techno-lugubre et prélude à un album l’an prochain, est un rare aveu sur soi de ce vrai timide, qui s’est progressivement enterré sous des couches de musiciens tel un pharaon dans sa pyramide. Sa seule constante impudeur est de nous avoir inculqué qu’il n’y a pas d’amour, seulement des chansons d’amour.