«Le chanteur était gigantesque, comateux, uniquement vêtu d’un slip, des pinces à linges plein les cheveux. Parfois, il soufflait dans un saxophone et en tirait les sons les plus affreux et insupportables que j’avais jamais entendus. Il était accompagné par un guitariste qui fixait le plafond avec un air épouvanté, comme si tout le bâtiment menaçait de s’effondrer sur lui. Ils avaient l’air débiles, grotesques. Mais très, très flippants.» Assis à la table de son salon à Austin, Texas, Jeffrey «King» Coffey se remémore ce soir de 1982 où, au cœur d’un été caniculaire, il s’est enquillé trois heures de bus pour aller voir sur scène le groupe qui faisait jaser toute la scène punk texane et dont il allait bientôt devenir le batteur : les Butthole Surfers.
Le chanteur au saxophone, c’est Gibson «Gibby» Haynes, un géant de 2 mètres qui, un an plus tôt, était un élève modèle de l’université de San Antonio, capitaine de l’équipe de basket et brillant étudiant en économie nommé «comptable de l’année» à sa remise de diplôme – qu’il a obtenu avec les plus hautes distinctions et lui a valu d’être immédiatement engagé par le prestigieux cabinet Peat, Marwick, Mitchell & Co. Un garçon à l’avenir tout tracé – jusqu’à ce qu’une rencontre vienne tout faire spectaculairement dérailler : Paul Leary, étudiant en art fou d’Yves Klein et de Frank Zappa.
Viré sur-le-champ
Tous deux partagent un goût prononcé pour la musique bruyante, outrageante, et publient bientôt ensemble un fanzine, Strange V.D.