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Opéra

Chez Kirill Serebrennikov, un «Lohengrin» fou curieux

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Le metteur en scène russe revisite Wagner à l’Opéra-Bastille, en faisant des protagonistes les victimes collatérales de la guerre en Ukraine. Etrangement kitsch et séduisant.
Lohengrin (Piotr Beczala) se retrouve affublé d’un treillis, façon Zelensky. (Charles Duprat/Opéra national de Paris)
publié le 25 septembre 2023 à 19h37

L’annonce d’une nouvelle production de Lohengrin, signée Kirill Serebrennikov, à l’Opéra-Bastille, pouvait laisser perplexe. N’était-il pas pervers de confier à un militant russe des droits de l’homme et des minorités LGBT+, exilé à Berlin, un opéra sur l’attente d’un leader charismatique, dont le chœur chante au troisième acte : «Pour la terre allemande, l’épée allemande ! Que la force de l’empire soit ainsi préservée !» A moins que le directeur de l’Opéra de Paris, Alexander Neef, n’ait voulu sortir, une fois de plus, cet ouvrage préfigurant l’esthétisation du politique par le nazisme de sa sinistre postérité. C’est de toute évidence la seconde option qui est la bonne, à lire le synopsis, de Daniil Orlov, publié dans le programme. Au lieu du résumé habituel de l’action originale, quitte à ce qu’elle soit transposée en d’autres temps et d’autres lieux par le metteur en scène s’en expliquant quelques pages plus loin, le novice apprend que Lohengrin raconte l’histoire d’Elsa, «une jeune femme qui a perdu son frère à la guerre… détenue dans la clinique psychiatrique d’Ortrud et Telramund» où sont soignées des «victimes de la guerre». Trahison, révisionnisme, cancel culture ? La puissante bronca qui a sanctionné l’arrivée sur le plateau du metteur en scène, à l’issue de la première, a démontré que sans lecture préalable du mode d’emploi, son Lohengrin pouvait choquer.

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