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Libération
On y croit

Claude, raveur rêveur

Avec «In Extremis», son premier album, la techno ludique et mélancolique du Français construit un délicieux théâtre poétique.
Premier album «In Extremis», pour Claude, (Geray Mena)
publié le 5 octobre 2024 à 10h38

Rares sont les artistes dont la personnalité s’affirme intensément dès leur premier titre. C’est pourtant bien le cas de Claude, dont on avait souligné il y a un an et demi dans ces pages l’arrivée fracassante. Rappel : le fameux titre se nommait Bientôt la nuit, mix bouleversant, entre techno et chanson française, magnifié par une mélancolie palpable. La chanson, un domaine dont on apprend plus tard qu’il est un territoire musical totalement ignoré par le jeune homme. Ses disques de chevet appartenant plus à Tyler the Creator, James Blake, ou Weyes Blood que Jacques Brel ou Christophe à qui pourtant sa voix singulière, tout en tensions et émotions, semble le rattacher. Passé ce choc initial, on tremble toujours un peu lorsqu’il s’agit de grimper à l’étage supérieur. A savoir le cap du sacro-saint premier album.

Prouvant qu’il en garde sous la semelle, il choisit d’écarter les compos de haut vol de ses débuts (au hasard les Accords de Lenny ou la fille de Bennington). Et parce que de son propre aveu, il ressentait le besoin de durcir son jeu, le garçon enrôle le producteur Alexis Delong (Zaho de Sagazan entre autres) pour l’aider à muscler ses compositions. Un renfort de poids qui lui permet de complexifier un brin la proposition électronique d’une musique déjà à la base originale. Pour les textes, par contre, le soutien n’est pas nécessaire. Son écriture, ô combien personnelle, se met à nu dans d’étranges saynètes empreintes à la fois de réalisme et de poésie ludique (Signes vitaux). En suivant ce fil rouge où ce raveur de l’intime tente de claudiquer vaillamment entre mal et joie de vivre, on a souvent l’impression que paradoxalement ses tourments peuvent être aussi les nôtres. Universalité d’un langage qui touche droit aux cœurs. Mais on le découvre également sur In Extremis capable d’envoyer des histoires sans paroles où la sarabande electro-techno sonne comme une libération de l’âme (l’intro bien nommée Réveille-toi ou la Nausée). Si la sensation Zaho de Sagazan a sublimé la chanson en 2023, Claude devrait marquer 2024. «Aujourd’hui je suis heureux, même si je me prépare au pire», chante-t-il dans la conclusion Contresens. Pas d’inquiétude, Claude, l’horizon est dégagé.

Claude In Extremis (Microqlima). En concert le 19 novembre à Paris (La Cigale).

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