Plus de six minutes. Portée par les roulis des fûts, les drones d’une contrebasse et les accords martelés du piano, une flûte s’enroule, sculptant dans l’air des volutes aux formes tout aussi bien cubiques que lyriques. Comment parler de ce nouvel inédit, dégoté dans les grands fonds de la bibliothèque publique de New York où les bandes avaient été stockées, à mettre au crédit de John Coltrane, sans commencer par ce solo qui en fournit le diapason dès l’ouverture ? Il porte la signature du multi-instrumentiste Eric Dolphy, autre géant d’une période qui en comptait tant. De lui, Coltrane dira moins d’un an plus tard, en 1962, qu’il était «le seul soliste» à lui avoir donné entière satisfaction. Certes, mais le météorique Dolphy était déjà parti dans d’autres sphères, tout occupé à construire son propre univers dont il n’aura que pu poser les premiers jalons, en disparaissant à 36 ans d’une crise cardiaque. Nul ne saura où le natif de Los Angeles aurait pu aller, sans doute bien au-delà des grilles du conventionnel.
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Une chose est sûre : parmi tous les disciples de l’hérétique messie du jazz qu’était John Coltrane, Dolphy aura tenu une place tout à fait à part, totalement ailleurs, c’est-à-dire au cœur du sujet. Ces deux as du sax forment une singulière paire, qui fera gloser comme d’autres alors – Ornette Coleman et Albert Ayler, pour rester chez les saxophonistes – les gardiens du temple jazz. Pas assez swing, trop libres, tout simplement anti-jazz selon certains critiq