Il n’y a rien qu’on ne chérit plus que ces artistes au parcours accidenté, farouchement instinctif, qui se permettent de faire des clés de bras à leur public en leur donnant systématiquement ce qu’ils n’attendent pas, en enchaînant chefs-d’œuvre imbitables et ratages jouissifs. C’est tout ce que devrait jamais être un artiste et il faudrait expédier sans autre forme de jugement tous les autres, ces perfectionnistes qui soignent leurs disques pour en faire de jolies petites piles, qui se dessinent de belles courbes de progression régulières. Mais il arrive, parfois, que certains trouvent un passage entre ces deux options, une manière de grandir sans faire consciencieusement ses devoirs ni s’obliger à sortir de la route avec fracas, faire quinze tonneaux dans le fossé, et continuer son chemin à la nage avant de monter à bord d’un navire marchand sous un nom d’emprunt. Les exemples sont rares, mais il en existe et Corridor en fait indiscutablement partie.

Jeune groupe montréalais brouillon (le Voyage éternel, 2015), subitement réapparu doté d’une grâce féroce (Supermercado, 2017). Avant de muscler considérablement son jeu avec une signature chez les Américains de Sub Pop (Junior, 2019). Et virer d’un coup au grand spectacle : Mimi, 2024, 25 idées par titre, une vision qui passe de l’écran vidéo au cinémascope, huit titres en Eastmancolor où tout est à la fois vertige et évidence. Bijou de pop arachnéenne engluée dans le kudzu – celui, abstrait, invasi