C’est l’éternel refrain. Les femmes gagnent moins que les hommes, et le monde de la musique ne fait pas exception. Qu’elles soient chanteuses, musiciennes ou techniciennes, les professionnelles du secteur sont défavorisées par rapport à leurs pairs masculins, révèle une étude du CNM (Centre national de la musique) parue le 17 octobre. En CDD, elles ont touché près de 3 000 euros de moins que les hommes en 2023. L’écart se creuse considérablement pour les contrats à durée indéterminée, avec plus de 7 900 euros de différence. Pour les artistes intermittentes, c’est la même rengaine, puisque leurs cachets sont inférieurs de 10,5 % à ceux de leurs confrères.
«Les hommes qui ont mon âge et une carrière similaire, ont une plus jolie maison que moi», déclare Karine Huet, musicienne professionnelle et secrétaire générale adjointe au SNAM-CGT (Syndicat national des artistes musiciens). «Nous n’avons pas du tout le même patrimoine. Ils ont une meilleure évolution de carrière, tandis que les femmes sont interrompues par la maternité, souffrent de l’âgisme… Elles ont également moins de financements, sont moins primées, ont une notoriété plus faible», ce qui réduit inévitablement leurs revenus.
Les femmes absentes de la scène
Dans le secteur de la musique, comme partout ailleurs, les postes les mieux rémunérés sont largement occupés par des hommes. Les femmes sont très minoritaires dans la direction musicale (12 %) et dans la composition (7 %), indiquait l’Observatoire des Inégalités dans un rapport paru en mars. D’ailleurs, pas une seule femme n’est à la tête d’un centre national de création musicale (au nombre de huit en France).
Inégalités femmes-hommes
Dans une étude, la sociologue Myrtille Picaud évoque également la faible présence des femmes dans les programmations artistiques à cause de «la persistance de représentations stéréotypées» qui amène à sous-évaluer le talent des femmes artistes. Pour ses recherches, elle passe en revue 24 clubs parisiens, et constate que les artistes féminines n’occupent que 10 % des programmations. Il y a par conséquent moins de cachets, donc moins de revenus pour ces chanteuses ou musiciennes, généralement intermittentes.
La maternité creuse également l’écart salarial pour ces dernières, affiliée à un régime précarisant. «Quand une femme annonce qu’elle est enceinte, elle peut perdre des contrats, car personne ne veut prendre de risques», témoigne Amandine Thiriet, comédienne, chanteuse et présidente du collectif Mattermitente qui apporte un soutien aux mères ayant ce statut. «Une jeune femme technicienne et enceinte nous a confié que ses collègues masculins assuraient qu’elle ne pourrait plus travailler correctement dans son état alors qu’elle était au tout début de sa grossesse. Suite à cela, son employeur de l’a pas reconduite.»
Forcer la parité ?
Quelles solutions pour abolir ces écarts ? Interrogé à ce sujet en avril dernier par les députés, le ministère de la Culture avait assuré qu’il fallait surtout s’attaquer «aux causes qui les génèrent», donc «favoriser l’accès des femmes à des positions élevées, leur prise de confiance en elles-mêmes». Karine Huet (SNAM-CGT) insiste quant à elle sur la nécessité de «conditionner les aides données aux structures» à une parité dans le recrutement des artistes.
«Notre syndicat revendique également la création d’un indice d’égalité dans le spectacle vivant, afin d’inciter les entreprises à intégrer les femmes : les structures les plus égalitaires pourraient toucher des bonus de financement.» Il faudra également déconstruire les préjugés sexistes dans ce secteur qui est «une jungle, sans RH, ou règne la cooptation masculine».