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Techno

«Der Lange Marsch», randonnée dans l’émoi

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Le dernier disque de Gas, alias Wolfgang Voigt, est une exploration sublime et funèbre.
Wolfgang Voigt souffre d’acouphènes.
publié le 3 janvier 2022 à 6h03

Tel un pas assuré, soutenu par le battement cardiaque d’un effort certain, une grosse caisse bat le tempo. Réglée sur quelque 125 battements par minute, on a plutôt l’habitude de l’entendre en club qui dicte la mesure de la danse. Ici pourtant, elle n’influence que l’allure de la marche, deux notes de basse étouffées sur l’envers, comme les vibrations des pas sur un chemin. Der Lange Marsch («la longue marche») semble se référer à celle qui propulsa Mao à la tête de la république populaire de Chine, mais rend surtout hommage à cette tradition des romantiques européens, de Goethe à Clare, qui attrapèrent leurs plus grands vers en marchant à travers champs et forêts. Les plus anciens adeptes de Gas, projet le plus célébré du vétéran de la techno allemande Wolfgang Voigt, qui fête cette année ses 60 ans, verront le titre de ce septième volet du projet comme une évidence, puisque la musique de Gas est adaptée comme peu de celles émergées de la techno à la randonnée. Sourde et opalescente, constituée d’amas orchestraux flottants empruntés à la musique symphonique du XIXe, elle est sylvestre et très légèrement mouvante, évoluant idéalement au rythme où change le paysage quand on le parcourt à pied.

A nouveau dans ce disque somme qui, contrairement à Narkopop, ne s’écarte nullement du sentier dégagé par Zauberberg en 1997, les moments d’inquiétude alternent avec ceux de la béatitude la plus solaire, sous-bois assombri auquel succède sans crier gare une clairière