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Des légendes au renouveau de la musique africaine, cinq bonnes raisons d’aller faire un tour au festival Rio Loco

Youssou N’Dour, DouceSœur, Salif Keïta, Kokoroko… L’événement toulousain, qui se tient du 11 au 15 juin, fête ses 30 ans avec une programmation alléchante.
Salif Keïta en concert à Ankara, en Turquie, en juin 2022. (Mehmet Kaman/Anadolu. AFP)
publié le 7 juin 2025 à 10h13

C’est l’un des rendez-vous qui lance la saison de festivals. Rio Loco fête cette année ses 30 ans, avec une programmation du genre dégenrée, composite et cosmopolite à souhait. Pour vous y retrouver dans ce dédale de multiples pistes, voici cinq bonnes raisons d’y aller.

1. Histoire de faire trébucher les clichés de la «world music»

Quand le festival s’est installé à Toulouse, la «world music» était certes source de bien des profits mais déjà un concept du style inepte. Un siècle a été franchi depuis, l’heure est à la décolonisation des pensées et à l’inversion des rôles. Ce qui se confirme plus que jamais avec cette édition anniversaire, qui place la jeune garde africaine et afro-diasporique aux manettes à l’image du global mix de la Marseillaise DouceSœur, qui peut enchaîner du zouk et du gqom, du ndombolo et du dancehall, comme celui de la Kenyane Coco Em, qui brasse à tour de bras kuduro et kwaito, trap et house. Tout aussi hybride, l’Ougandais Faizal Mostrixx que l’on découvrit avec son terrible In My Soul concocte une formule afro-futuriste qui vous happe par les pieds et vous capte par la tête. Ecoutez donc son audacieux Onions and Love. Dans un registre plus tribal pas moins trippant, Aunty Rayzor pose un flow qui fait écho au surnom qu’elle s’est décerné : «Naija Thugress», texto la «brute nigériane». On pourrait continuer à l’envi tant Rio Loco ouvre large les écoutilles, mais s’il faut n’en citer que deux à ne pas manquer : le raï du troisième type, auto-tuné et total azimuté, de Sami Galbi, et les rythmiques épileptiques comme elliptiques de la suractive R3ign Drops, figure de proue du collectif Nyege Nyege, qui fête ses trente ans cette année. Comme un symbole d’un renouveau à l’œuvre, ici et dorénavant.

2. Pour écouter trois légendes de l’Afrique francophone : Salif Keïta, Angélique Kidjo et Youssou N’Dour

Ces trois-là font partie d’une même histoire, celle du festival, dont ils ont déjà écrit des chapitres précédents. L’aîné Salif Keïta vient de publier un disque enregistré comme à la maison, pour paraphraser son titre So Kono. Soit une bande-son sans artifice, où il se livre souvent seul, parfois juste accompagné de quelques cordes et percussions. Dans cette formule dépouillée, le Malien se montre au faîte de sa forme. C’est dans un tout autre cadre qu’Angélique Kidjo se produira avec la Cité des Pitchouns, une création inspirée par la Cité des Minots à Marseille et la Cité des Marmots en Ile-de-France. Soit un projet pédagogique autour du chant choral avec des jeunes des quartiers, qui colle parfaitement au propos de la Béninoise, ambassadrice de l’Unicef, que l’on retrouvera le lendemain avec trois voix du Brésil : Flavia Coelho, Karla da Silva et Puma Camillê. Quant à Youssou N’Dour, il se présentera avec le Super Etoile de Dakar, le combo où depuis plus de quatre décennies le Sénégalais donne la pleine mesure de son talent enchantant le mbalax, dont il est le roi incontesté.

3. Pour prendre des nouvelles des Kokoroko

Tuff Times Never Last, le titre de leur second disque laisse augurer des lendemains plus enchantés. En prélude à la sortie le 11 juillet de ce disque «explorant la solidarité, la communauté, la sensualité, l’enfance, la perte et surtout la persévérance», voici donc de retour en scène le combo afro-diasporique qui entend renouveler une vision du jazz outre-Manche. Si l’on en juge les premiers titres parus, dont Closer to Me, l’ambiance est au bon vieux jazz funk, qu’Onome Edgeworth, le co-leader du combo, rapproche même du hip-hop à l’ancienne, façon Common. Tout comme le breakbeat qui donne le tempo de Three Piece Suite, un titre plus marqué par l’afrobeat, relooké sans excès. Rien de révolutionnaire, mais tout de même de quoi donner envie de les retrouver live and direct.

4. Pour partir à la rencontre d’Anouck

C’est l’une des nouvelles voix d’un mouvement qui, depuis plusieurs générations désormais, fait résonner sa divergence avec le centralisme esthétique. Sous la Linha Imaginot pensée par les Fabulous Trobadors, un territoire sonore dont les contours ne sont dessinés sur aucune carte même si ancrés dans une Occitanie à réenchanter, Anouck se joue des frontières, évoquant tout autant les modes orientaux qu’invoquant les chants ladino, dans un récit polyphonique à trois voix. Dans cette nouvelle création, il sera question de sérénade amoureuse comme d’hymnes révolutionnaires, où l’idée de tradition est avant tout la traduction que d’autres mondes sont encore possibles.

5. Pour retrouver Lenine et Spokefrevo

A la fin du siècle dernier, Lenine donnait à entendre une autre version du Brésil. Natif de Recife, l’auteur-compositeur composait un univers des plus versatiles à partir des traditions du Nordeste. Et puis, à l’aube du nouveau millénaire, le SpokFrevo Orquestra remettait en scène le frevo, le bon vieux swing en version nordestine. Vingt-cinq ans plus tard, les voilà réunis dans une création inédite qui avant d’être jouée le lendemain à Paris, sera présentée en avant-première à Toulouse, la ville des troubadours.

Rio Loco 30 ans, du 11 au 15 juin à la Prairie des filtres, Toulouse (Haute-Garonne).