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Justice

Jean-Michel Jarre n’aura pas accès à l’héritage de son père, tranche la justice européenne

Décédé en 2009, le compositeur Maurice Jarre avait légué l’ensemble de ses biens à sa veuve. Ses deux enfants, Jean-Michel et Stéphanie, ont été déboutés par la Cour européenne des droits de l’homme dans leur bataille pour leur héritage.
Jean-Michel Jarre était entré dans une bataille judiciaire pour l'héritage de son père depuis plusieurs années. (Eric Dervaux/Hans Lucas. AFP)
publié le 16 février 2024 à 12h03

C’est sûrement l’une des sagas d’héritage qui nous a le plus tenus en haleine ces dernières années. Ce jeudi 15 février, le compositeur Jean-Michel Jarre et sa sœur Stéphanie ont vu l’héritage de leur père, Maurice Jarre, s’éloigner un peu plus quand la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) les a déboutés de leur demande. Loin de s’avouer vaincus, ils feront appel de cette décision, redoutant un «impact potentiel» sur des affaires «similaires».

Cela fait pourtant plusieurs années que le frère de 75 ans et la sœur de 58 ans se battent pour cet héritage, depuis le décès de leur père, en 2009. Celui-ci, compositeur de renom connu pour ses bandes originales – à l’instar de celle du Docteur Jivago ou de Lawrence d’Arabie – avait légué tous ses biens à sa dernière épouse, Fui Fong Khong.

Si cette manœuvre est théoriquement impossible en France en vertu du principe de «réserve héréditaire» – qui implique que certains héritiers, en l’espèce les enfants, ne peuvent être exclus d’une succession – elle est permise par le droit californien, là où le compositeur triplement récompensé aux Oscars s’était installé depuis les années 1960. Cette affaire est apparue au grand jour alors que celle qui opposait Laeticia Hallyday et Laura et David Smet venait de commencer. Comme chez les Jarre, le contentieux de famille Hallyday se basait aussi sur un testament californien, que les deux aînés de la rock star contestaient, après avoir été déshérités.

Maurice Jarre, lui, avait mis en place un «family trust», structure juridique prévue par le droit californien que les deux requérants avaient, en vain, contesté devant les tribunaux français. Car en 2017, la Cour de cassation avait déjà rejeté la demande de ses deux enfants, estimant qu’ignorer cette «réserve héréditaire» n’était «pas en soi contraire à l’ordre public international français». Ainsi, la plus haute juridiction française estimait que la loi française n’avait pas, dans ce cas, à l’emporter sur celle Californienne. Les requérants avaient donc cherché gain de cause au niveau européen.

«Impact potentiel sur d’autres affaires similaires»

Ce jeudi, la Cour a ainsi rejeté la demande de Jean-Michel et Stéphanie Jarre, ne voyant «aucune raison de se départir du raisonnement des juridictions (françaises) dans la mesure» notamment où la CEDH «n’a jamais reconnu l’existence d’un droit général et inconditionnel des enfants à hériter d’une partie des biens de leurs parents», indique-t-elle dans son arrêt, rendu à l’unanimité des sept juges. Elle poursuit : les tribunaux français ont «vérifié que les requérants ne se trouvaient pas dans une situation de précarité économique ou de besoin» et ont «respecté la liberté testamentaire du défunt» dont la volonté traduisait une démarche «continue et bien définie de faire bénéficier son conjoint survivant de l’intégralité de ses biens», sans «intention frauduleuse».

Ils «ont pris connaissance avec regret de l’arrêt rendu […] en leur défaveur», a communiqué Me Nicolas Olszak, avocat des demandeurs, avant d’ajouter : «compte tenu des enjeux attachés à cette décision, et de son impact potentiel sur d’autres affaires similaires, nous formulerons dans les semaines à venir une demande de renvoi […] devant la Grande Chambre» de la CEDH, qui fait fonction d’appel.