Les disques exceptionnels se révèlent dès les premières secondes. On en a encore eu la preuve, en 2019, avec le Concerto pour piano de Busoni, enregistré par Kirill Gerstein et le Boston Symphony Orchestra, sous la baguette de Sakari Oramo. Une œuvre rarement jouée, en raison de ses proportions épiques, nécessitant de surcroît un chœur, mais qui a tout de même été gravée par John Ogdon, Marc-André Hamelin, et Garrick Ohlsson avec l’Orchestre de Cleveland dirigé par Christoph von Dohnányi. Si cette dernière version fit longtemps référence, force est de reconnaître que, de la conduite assurée du discours à la splendeur des timbres de l’orchestre de Boston, celle de Gerstein, captée en concert, s’est imposée par sa sûreté de trait, son souffle, sa manière de mettre en lumière la structure de l’œuvre sans sacrifier au lyrisme, à quoi ajouter la verve rythmique ahurissante du pianiste, évoquant Vladimir Ashkenazy.
Monstre post-lisztien
Les orchestres ne s’étant pas mis, pour autant, à programmer ce concerto à tour de bras, Gerstein a pris prétexte du 100e anniversaire de la naissance de Busoni pour le redonner lors d’une mini-tournée européenne. Elle débutera à Paris, où le compositeur travailla et où le National de France aura la chance d’être dirigé par Oramo. Elle se poursuivra à Berlin, ville d’adoption de Busoni à partir de 1894, où il se produisit comme pianiste et comme chef, et créa ce concerto avec le Philharmonique de Berlin, et s’achèvera à Londres et à Lisbonne qui comptèrent presque